De son père Gabriel il a hérité la patiente endurance, l’amour de la nature et l’art de la transcrire par l’image. De Trudi, sa mère elle aussi disparue, il a reçu le sens de l’accueil, la bonhomie souriante et l’habileté manuelle…
Après avoir construit des chalets en rondins, guidé des clients dans la montagne, Nicolas Reymond, ce Combier hors-normes a décidé de vivre quasiment en ermite
6 mois par année en Alaska, et cela dure depuis environ 10 ans! Il a établi son repaire au cœur d’une vaste forêt sauvage, au bord d’un lac, à 8 km de ses plus proches voisins, des trappeurs, et à 25 km de la première route le reliant à la civilisation… Sa façon de vivre, de s’organiser et de résister, seul au milieu de ces vastes espaces sauvages, ont engendré des interrogations et suscité finalement un soutien réconfortant parmi ses proches… Car cela tient de l’exploit de vivre jour après jour, parfois sur le fil du rasoir, dans un monde peuplé d’ours noirs et de grizzlis, de loups, et de pièges divers, aquatiques et frigorifiques surtout! Cette expérience unique a initié la création du film «Passion Alaska», tourné avec talent par Mathieu Wenger, avec le commentaire avisé de Jean-Philippe Rapp, et la voix de notre ami Nicolas, au langage fleuri, brut de décoffrage, mais ô combien franche sur son vécu et ses sentiments.
Les images que le spectateur a le privilège de voir sont d’une indéniable beauté, les frissons ne sont pas loin, et ce documentaire, par le choix des plans, les sujets montrés (oiseaux aux couleurs insolites, ours inquisiteurs, orignal avec son petit, caribou trottant élégamment) nous éveille à la vie animale de cette lointaine contrée, vie saisie sur le vif par une discrète approche… Fouler en été un sol tapi de fleurs rouges au centre de collines verdoyantes et boisées, devant de lointains sommets enneigés et abrupts, pour capter la beauté de la vie sur notre Terre, quels intenses moments de bonheur cela doit-il procurer! Ingénieux et diablement habile, tenace et sans doute chanceux, Nicolas a construit de ses mains quelques jolies cabanes, qui ont remplacé la tente renforcée du début… Il a tout transporté par traîneau ou bateau, ayant dû, parfois, démonter et remonter entièrement une machine indispensable pour débiter ses planches. Sa grue-maison n’a rien à envier à Jean Tinguely, et sa façon acrobatique de débiter un sapin est hallucinante. Toutes les parties de l’arbre sont utilisées, rien ne traîne! Cet homme vit quasiment en symbiose avec son milieu et le respect qu’il voue à la nature se reflète aussi bien dans sa parole que dans ses actes. Mais, par ce film, Nicolas Reymond nous dit encore autre chose, il nous sensibilise au fait que ce milieu splendide n’est pas traité de la même façon par tous les êtres humains bordant ces contrées…
C’est ainsi qu’il nous apprend que certains individus fortunés y pénètrent avec des quads géants, tourniquant sur de grandes tourbières et détruisant sans honte une grande partie de leur biotope. Plus invraisemblable encore, ce qu’ils appellent aux USA le «Big Game», bal de chasseurs qui tuent des ours et leurs petits au sortir de leur hibernation, avec leurs hélicoptères qui les posent à 2 pas du gibier… Ou qui massacrent des caribous, pour en faire des trophées à exposer fièrement dans leurs salons…Et, malheureusement, ce n’est pas l’Amérique de Trump et la Russie de Poutine qui vont calmer le jeu! On saisit alors le profond sentiment de révolte qui anime notre homme des bois, confronté à des actes pareils… Finalement, ce beau film est un éveil à la conscience de l’homme et de son action en milieu naturel. Merci à Nicolas de nous le rappeler… A montrer dans toutes les écoles, et sur tous les continents!
Herbé