Le «Trésor du temps», une montre de collection Louis Audemars, a été trouvée après plus de quatre ans. La compétition grandeur nature, exigeante et impitoyable (le gagnant emporte tout) visait en définitive à faire connaître La Vallée, son histoire et à promouvoir le tourisme.

Il ne connaissait rien de la Suisse, a fortiori de la Vallée de Joux ni de la haute horlogerie quand la chasse au trésor grandeur nature qui leur était consacrée a été lancée, au printemps 2014, à l’Espace horloger. Un peu plus de quatre ans plus tard, des centaines d’heures d’étude et de recherche ainsi que quelques nuits blanches et découpées plus tard, le chasseur au pseudo très catholique d’«Angélus» est devenu le propriétaire du trésor, à savoir une montre de collection Louis Audemars. A moins que le véritable trésor ne soit la connaissance de la Haute Combe et de son patrimoine naturel et horloger, ce qui était le but recherché des organisateurs. «Au-delà de la montre que j’ai reçue», nous a confié le vainqueur, «je garderai pour toujours avec moi cette fierté d’avoir une fois dans ma vie gagné une telle compétition.»
Ils étaient plus de deux mille concurrents au départ et après un fort engouement initial, la chasse s’est révélée plus difficile et longue qu’escompté. Au moins «Le Trésor du temps» a été trouvé. Ce n’est pas le cas de toutes les chasses au trésor!
Une quête menée principalement à distance
C’est dans le Risoud, précisément sous une intersection de murs en pierres sèches dans la combe des Puits, qu’«Angélus» a touché au but. Parti le matin du 6 juillet dernier de l’Auvergne où il réside, il a déterré la petite boîte en bois de la taille d’une carte postale enfouie quatre ans plus tôt. Cette dernière étape était la seule de la chasse au trésor qui nécessitait de se rendre sur place.
Les étapes précédentes, autrement dit la série de dix énigmes menant au trésor, pouvaient être résolues chez soi, devant son ordinateur, à la lecture du livre-guide vendu à plus de deux mille exemplaires et avec beaucoup de «jus de cerveau». Et «Angélus» n’a pas mené cette chasse seul, puisqu’il s’est associé en début d’année à un autre concurrent surnommé «Zarquos», un Normand.
Cérémonie sur les lieux mêmes de la trouvaille
Il restait une ultime étape à cette grande aventure, la remise de la montre au vainqueur, le 15 septembre sur les lieux forestiers mêmes où était enfouie la boîte, en présence des patrons de la chasse et des partenaires qui l’avaient rendue possible, au premier rang desquels l’Espace horloger, Vallée de Joux Tourisme, les sponsors et Audemars Piguet pour le versant horloger.
Philipp Schweizer, initiateur et patron de cette chasse au trésor grandeur nature, a remis à «Angélus» le trésor, montre à gousset du 19e siècle de la taille d’une pièce de deux francs (lire ci-contre) qu’il a fait sonner en demandant à la vingtaine d’invités présents de faire silence pour qu’on puisse l’entendre tinter.
Un visionnaire lui aussi comblé
Philipp Schweizer voyait pour sa part se terminer ainsi une aventure entamée dix ans plus tôt, lui qui a imaginé une chasse au trésor grandeur nature dans La Vallée où il possède une résidence, qui a convaincu les partenaires et défini les axes et le contenu général des énigmes, laissant le professionnel Tom Adalbert les composer ensuite concrètement. «Je ne pouvais rêver d’une plus belle conclusion qu’aujourd’hui, ce pâturage sera toujours pour moi chargé d’émotion», confiait-il. Interrogé sur le moment qu’il a préféré dans cette aventure, le géographe de métier et entrepreneur répond: «Quand “Angélus” m’a appelé un vendredi soir à vingt-trois heures pour me dire qu’il avait trouvé plus tôt dans la journée!»
Un passionné a triomphé
Et comment devient-on chasseur de trésor? «Angélus», ingénieur informatique de trente-sept ans, en a fait son hobby. «Le Trésor du temps» est la troisième grosse compétition de ce type à laquelle il participait, à côté d’une multitude d’épreuves plus courtes et plus ludiques. Le fait qu’il ait eu un déclic en pleine nuit après le match France-Argentine et qu’il ait sauté dans sa voiture pour monter à la Vallée de Joux, à quatre heures de route de chez lui, laissant une épouse qui n’a plus fermé l’œil de la nuit, en dit long sur la mentalité de ces chercheurs de trésor: la crainte d’être devancé. La discrétion est une autre vertu des chasseurs, qui nous oblige à ne pas divulguer l’identité «d’Angélus». Le chasseur ne va pas s’arrêter en si bon chemin et participera à d’autres quêtes.
Justement, la «mère» des chasses au trésor, nommée «La chouette d’or», attend toujours qu’on la trouve, vingt-cinq ans après. Et Philipp Schweizer caresse, lui, le rêve d’une chasse au trésor nationale helvétique.
La petite «savonnette» de la maison Louis Audemars, une montre de poche à répétition minute et en or rose qu’a reçue le vainqueur de la chasse au trésor, a été terminée en 1880, cinq ans avant la faillite de l’entreprise familiale – meilleurs horlogers que commerçants, se plaît à dire l’histoire. La pièce «disparaît» ensuite pendant cent cinquante ans des radars.
Elle réapparaît chez un antiquaire horloger de Californie et sa page internet est consultée par un jeune Suisse qui recherche ce genre de produit afin d’en faire le prix d’une chasse au trésor. L’on est alors en 2010. «C’était un pari entrepreneurial un peu fou d’acheter cette montre si tôt dans le projet» commente Philipp Schweizer, qui a dû débourser une coquette somme pour faire revenir cette pièce dans son berceau d’origine, laquelle a passé la douane dans un simple paquet indiquant «valeur: 50 CHF».


Le périple d’une montre très spéciale
La petite savonnette passe ensuite deux ans dans un placard à habit, le temps pour Philipp Schweizer de convaincre les partenaires locaux de mettre sur pied ladite chasse au trésor, jamais tentée en Suisse.
En 2014, vernissage à l’Espace horloger. La chasse au trésor est lancée et le lot du vainqueur présenté au public, non sans avoir été restauré par l’Atelier Patrimoine d’Audemars Piguet. Il a fallu plus de cent cinquante heures de travail sur deux ans aux deux horlogers Francisco Pasandin et Angelo Manzoni pour refaire fonctionner la pièce. En effet, celle-ci avait des composants cassés, usés ou manquants. De plus, les dorures extérieures avaient été réalisées au bain de mercure, une technique aujourd’hui disparue. «Nous sommes allés à la recherche d’un savoir-faire perdu, ou plus exactement interdit en Suisse et j’ai par exemple passé trois jours à Paris pour me former. Un rêve…», commente Angelo Manzoni.
Autre anecdote de la restauration: les pièces devant être dorées ont été envoyées à l’autre bout de la Suisse où, premier test, un nouveau procédé par électrolyse permettait de répliquer l’ancien. Puis elles ont été renvoyées et ne sont jamais revenues. Inquiétude à quelques jours du lancement de la chasse au trésor. Finalement, le paquet-colis apparaît sur un bureau d’Audemars Piguet. «Nous y sommes arrivés au prix de quelques cheveux blancs», déclarent en souriant les deux horlogers.
Après 4 ans passés au musée de l’Espace horloger en attente que la chasse au trésor aboutisse, la savonnette à répétition minute entame une seconde vie. Désormais aux mains d’«Angélus», elle sera probablement revendue à un collectionneur. Philipp Schweizer: «Ce qui a le plus de valeur à mes yeux avec cette pièce, c’est l’investissement humain à travers l’histoire, de sa création au Brassus, du voyage inconnu qui l’a amenée à traverser l’océan pour revenir finalement ici et être restaurée».
Louis Audemars, natif du Brassus, a créé sa maison horlogère en 1811 à une époque où les horlogers combiers construisaient des mouvements qu’ils vendaient à des marques genevoises ou européennes. Louis-Benjamin, de son prénom complet, ambitionnait de créer sa propre montre de A à Z, une montre combière de la matière jusqu’à l’assemblage et aux finitions. Ce sont ses enfants qui, dès 1848, accompliront son rêve.

Bonjour,
Légende sous la photo : Angelo Manzoni… pas Angela !
Cordialement
CR