En lisant, avec une certaine délectation, le livre «50 semaines dans la peau d’une entrepreneure, je n’ai pu m’empêcher de comparer le parcours de Céline Renaud aux efforts accomplis par les participants à un ironman, ou plutôt à un ironwomen! Où donc trouve-t-elle toute cette énergie pour assurer 300 conférences «Dégustation de sons» en une année, s’ingéniant à toucher d’abord émotionnellement ses auditeurs aussi bien à la Vallée de Joux qu’aux quatre coins du monde? Où puise-t-elle la force de donner des cours sur l’art de parler en public, sans compter les heures -souvent nocturnes- passées à lire et à répondre à près d’une centaine d’e-mails quotidiens, effets secondaires chronophages de la communication électronique? Tout cela dans le but de promouvoir les produits de la petite entreprise JMC Lutherie. On est partagé entre admiration et étonnement… Il faut une sacrée organisation et une résistance à toute épreuve!
A la lecture de cet ouvrage vite dévoré, fruit de ses réflexions hebdomadaires parues dans l’AGEFI, un mot semble adéquat pour expliquer ce qui pousse cette jeune directrice à poursuivre sans relâche ce chemin périlleux de l’entreprenariat, parsemé de hauts et de bas: la passion. Son livre rappelle que 98% des entreprises de notre pays sont des PME, ciment social de notre société, et qu’il serait bon que les pouvoirs politiques et financiers leur accordent autant de considération qu’aux grandes multinationales… Cette passion pour la belle ouvrage est née des fruits, lentement mûris, de la recherche, puis de la confection épurée du soundboard ou haut-parleur en bois d’harmonie, dit aussi bois de résonance, ainsi que d’autres produits dérivés, mettant en exergue les qualités exceptionnelles du sapin du Risoud, vieux de
350 ans. Lequel doit être sans défauts, séché naturellement, et travaillé artisanalement avec inventivité et amour, afin de créer des objets qui s’apparentent à du luxe, tout en rattachant profondément l’utilisateur à la Terre. A cette vaste forêt du Risoud, lieu d’espoir et synonyme de vie pour ceux qui eurent recours aux services des valeureux passeurs des années quarante… Fabuleuse forêt, où la lenteur dans la pousse de l’épicéa, sur un sol pauvre en terre mais riche en calcaire, peut parfois produire la plante idéale chère au travail du luthier. Tourbillon dans la vie de Céline pour magnifier, au final ce qui grandit si lentement… Peut-on parler d’éloge de la lenteur?
En parcourant ces pages pleines de fraîcheur, on découvre la riche personnalité de l’auteure, malgré l’usage de quelques anglicismes, inhérent au monde du business, du commerce devrais-je dire, chers lecteurs… On y décèle la volonté d’une femme de caractère à se faire reconnaître en tant que cheffe d’entreprise! Mère d’une fillette, certaines théories sur l’organisation de l’école publique verront peut-être le jour au 22e siècle… Le rapport privilégié qu’elle s’efforce de garder avec son milieu naturel, où elle aime décompresser, est toujours sous-jacent dans ses écrits. Elle aime à nous rappeler que l’aventure de cette société débuta avec le luthier Jeanmichel Capt et un jeune financier du même nom, à la route du Risoud, atelier sis quasiment en face de la demeure de Lorenzo, l’extraordinaire cueilleur d’arbres, voici une quinzaine d’années… Après diverses péripéties, l’effectif passa de 13 à
6 personnes. Un team actuellement efficace, bénéficiant du savoir, de nouveaux matériaux, et de l’expérience de plusieurs hautes écoles implantées en Helvétie…
Souvent, en fin de chapitre, une citation originale titille notre réflexion, à l’instar par exemple de celle d’un certain Osha: «La vraie question n’est pas de savoir si la vie existe après la mort, la bonne question est de savoir si l’on est en vie avant la mort…»
Un livre qui fait du bien à l’âme, qui booste notre optimisme, dans un monde qui en manque cruellement… A lire au coin du feu, quand se poseront doucement des nuées de flocons sur notre haute Vallée… ou même avant!
Herbé