L’association tenait son assemblée générale annuelle le 12 novembre à l’hôtel de ville du Sentier, suivie d’une conférence sur la maladie d’Alzheimer

Le mois prochain, comme chaque année, les personnes hospitalisées au Sentier recevront chacune la visite d’une délégation des Amis de l’hôpital et des fleurs ou, cette année 2018, des cadeaux de leur part. Une tradition qui ne se démode pas tant elle est appréciée des malades comme des visiteurs eux-mêmes. Il paraît qu’il y a autant de plaisir à donner qu’à recevoir! L’association des Amis de l’hôpital vit cette devise depuis sa création en 1980.
Sa présidente Jacqueline Mouquin relevait les temps forts de l’année écoulée: en avril, première visite de l’année civile à l’hôpital; fin mai, la raclette de printemps; en juillet, la «mi-été» avec la présentation aux résidents des bouviers bernois et d’autres petits animaux; pour finir, la raclette d’automne avec la participation de la chorale de L’Orient. A côté de cela, un groupe sous la responsabilité de Marie-Claude Guignard effectue un visite hebdomadaire plus modeste mais non moins appréciée.
«Cela soulage autant que les médicaments»
Sur un plan chiffré, l’association des Amis a versé en 2017 l’équivalent de quelque Fr. 55’000.- à l’hôpital du Sentier et à ses résidents, sous forme de cadeaux divers, d’abonnements à des journaux et de dons pour des platebandes ou des animations. L’année précédente, en 2016, le montant total atteignait les Fr. 93’000.-, à cause d’un don substantiel pour financer un échographe. Raphaël Muriset, porte-parole des Etablissements hospitaliers du Nord vaudois (eHnv), a encouragé l’assemblée: «D’ordinaire, avec le personnel soignant, je parle davantage de processus clinique, de médicament et de prise en charge que de fleurs, d’animaux et de clowns comme vous le faites ce soir, mais sachez que cela soulage autant que des médicaments et souvent de manière beaucoup plus pérenne.»
Pôle Santé: on attend de voir
Au 1er janvier prochain, la première directrice du Pôle Santé Vallée de Joux entrera en fonction. Au menu de sa première année: piloter la fusion des partenaires de santé locaux. Quelle incidence pour l’association des Amis? «La population suit gentiment le projet, mené par des professionnels, dans un cadre précis», indiquait Jacqueline Mouquin. «De notre côté, nous attendons de voir ce qui va se passer». Seul problème potentiel: le Centre d’Accueil Temporaire; situé à l’hôpital où il est à l’étroit, celui-ci pourrait être délocalisé. Les statuts de l’association ne permettraient alors plus de servir ses résidents comme ce fut le cas jusqu’ici; cas échéant, ils devraient être amendés. Mais c’est de la musique d’avenir. Commentaire rassurant de Raphaël Muriset: «Les eHnv vont continuer d’accompagner tout le processus au-delà du premier janvier et aussi longtemps que ce sera nécessaire.»
En deuxième partie de soirée, l’assemblée générale accueille traditionnellement une conférence, laquelle attire un public plus large que les Amis de l’hôpital (35 personnes présentes ce soir-là). L’Yverdonnoise Emmanuelle Michel avait la tâche difficile de traiter un sujet douloureux, la maladie d’Alzheimer, sans trop faire peur à un auditoire comprenant bon nombre de têtes chenues. Très au fait de son sujet, dynamique et empathique, l’infirmière a relevé le défi (lire encadré).
Une vieille histoire
L’association des Amis de l’hôpital a été créée en 1980 au moment où l’hôpital de La Vallée passait dans le giron de l’Etat: un douzaine de Combiers «bien intentionnés» a voulu s’assurer que les dons versés à «leur» hôpital ne finissent pas dans une caisse cantonale, selon Elisa Rochat, ancienne présidente. L’association est ainsi venue en aide à des personnes qui, autrement, n’auraient pu payer leur hospitalisation, à une époque où l’assurance maladie n’était pas encore obligatoire. Par la suite, l’association des Amis s’est adaptée à la nouvelle donne et a commencé à acheter du matériel pour les salles d’opération, téléviseurs et autres cadeaux que le budget cantonal n’aurait pas couvert.
La générosité privée au profit de l’hôpital est aussi ancienne que l’hôpital lui-même. Elisa Rochat se souvient qu’à sa création, en 1934, ce sont des «dames patronnesses», comme on disait à l’époque, qui ont cousu et offert tout le trousseau, à savoir duvets, linges et édredons.

Alzheimer: surtout dur pour l’entourage
Le canton de Vaud compte 12’800 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, laquelle représente la moitié des démences et la cause principale de handicap et de dépendance des personnes âgées. Ce chiffre n’est toutefois pas le plus parlant: car on compte 38’500 «proches aidants» et 35’000 professionnels engagés, soit 5,5 fois plus que le nombre de personnes touchées. Et l’on sait que tous les malades ne sont pas déclarés. Traduction de ces chiffres en réalité humaine: c’est une maladie qui pèse lourdement sur l’entourage, en plus d’être incurable, irréversible et évolutive. Répétition en boucle des mêmes questions qui épuisent, irritabilité et même agressivité dirigée contre les proches, inactivité pour finir dans une dépendance totale: à un stade de la maladie, Emmanuelle Michel a même plutôt l’impression que ce sont les proches aidants (conjoints, enfants, neveux et nièces) qui souffrent le plus, dès lors que le malade lui-même est «dans son monde». «Il faut se dire que le malade ne voit plus le monde de la même manière, tel est le conseil que je donne fréquemment», explique l’infirmière. Il subsiste toutefois de rares moments de présence que les proches aidants peuvent apprendre à cueillir comme un rayon de lumière fugace à travers les nuages. Autre chose qui ne disparaît jamais: la mémoire affective et celle des odeurs.
Le médecin, pour fonder son diagnostic, va chercher au moins deux types de trouble: perte de mémoire, perte de l’orientation dans le temps et l’espace, perte de souvenirs récents (puis anciens, au stade avancé de la maladie) et perte du vocabulaire. «Au début, les malades développent un sixième sens sur l’état d’esprit de ceux qui les visitent». Les seuls médicaments à disposition sont ceux qui freinent les symptômes (hallucinations, dépression, etc.) et permettent au malade de garder une certaine qualité de vie. Restent tous les traitements non-médicamenteux: entraînement de la mémoire, activités créatives, sportives et conviviales, jeux. Et de citer comme exemple le fait d’inclure les personnes malades d’Alzheimer dans les activités qu’elles pouvaient encore exercer jadis, pour éviter le cercle vicieux du désintérêt et de l’isolement; par exemple, faire couper les légumes pendant qu’on prépare le repas.
Conclusion de cette conférence, les proches aidants ont besoin d’aide, eux qui ont un cruel manque d’information: comment la maladie va évoluer, à quel stade un placement en institution sera possible ou souhaitable, qui va décider, comment communiquer avec une personne qui n’est plus celle que vous avez connue pendant soixante ans et qui ne vous reconnaît même plus («deuil blanc»), etc. C’est ici que l’association Alzheimer Vaud offre une permanence téléphonique, des groupes d’entraide pour malades qui s’isolent et pour proches aidants (le plus proche est à Yverdon) et finalement, un accompagnement professionnel à domicile pour personnes atteintes de trouble de la mémoire.