A peine les élections au Conseil d’Etat bouclées pour le premier tour, voilà t-y pas que I’UDC jette l’éponge. Le PS, par la nomination (il serait prétentieux de dire élection) de Rebecca Ruiz maintient ainsi son siège au Gouvernement cantonal. Mais on ne peut pas soutenir que la récipiendaire ait franchement gagné, non (15,6% des votants). Puisque sa «victoire» est tacite. Elle et son parti n’ont fait que cueillir le fruit qui a mûri pendant la campagne électorale. Si mûr (maturation probablement due au réchauffement climatique, cheval de bataille du PS au détriment du bien-être populaire) qu’il est tombé dans les urnes sans avoir à secouer l’arbre. Donc, le PS et sa candidate n’ont pas véritablement gagné: ils ont saisi ce qui leur tombait tout cuit dans le bec. Tout un art, surtout celui de convaincre. On ne sait pas de quoi! Enfin si, un petit peu: ne pas voter pour l’autre, car l’autre c’est l’ogre, le méchant, le xénophobe, le renfermé, le traditionnel, le patriote (que ce mot est vilain pour les «progressistes»), le conservateur, etc. Et ça a marché. Chapeau bas au PS, qui a su mener une stratégie multipartite, opposé à une droite sans envergure et molle, sans cette petite étincelle qui aurait dû mettre le feu aux poudres.
Pour l’honneur
L’autre camp, I’UDC et son candidat Pascal Dessauges n’ont pas perdu. Pire, ils ont adopté une des postures favorites de ce parti vaudois, celle de l’à-plat-ventrisme. Treize mille voix d’écart, et on laisse tomber sous prétexte que les chances de rattraper ce retard étaient quasi nulles. On baisse les bras en expliquant que cette décision permet d’éviter une dépense de plus d’un demi-million de francs aux contribuables vaudois.
Des excuses peu convaincantes. Vouloir accéder au Conseil d’Etat sous-entend que le prétendant au titre en a, qu’il en veut, qu’il est solide. Un politicien digne de ce nom sait qu’il est une cible et que des tirs pervers peuvent venir de tous les côtés. Du peuple, d’autres élus, de la presse (surtout). De tout le monde, quoi. Et la campagne pour le deuxième tour aurait pu en voir de toutes les couleurs, se terminer par une magistrale veste. Et alors? Au moins, on a été jusqu’au bout, on a essayé d’atteindre le but qu’on s’était fixé. François 1er, à l’issue de la guerre de Pavie (Italie) en 1525, n’a-t-il pas écrit à sa mère: tout est perdu, fors l’honneur! Pour l’honneur, n’était-ce pas du devoir de citoyen vaudois,
M. Pascal Dessauges en l’occurrence, que de mener le deuxième round jusqu’à son terme (7 avril)? Fort, rassembleur et à même de convaincre cette droite bicéphale qui oscille, qui penche Radicalement à gauche tout en se proclamant le pilier du centre droite! Ce PLR qui a fait de belles promesses de soutien à I’UDC mais qui, comme à son habitude, l’a lâchée dans la dernière ligne droite. Préférant ainsi donner des points à Mme Ruiz plutôt que d’en accorder au grand méchant loup. Tant il est vrai que ce «partenariat» était indispensable pour glaner des voix hors des villes (que l’on sait de gauche par leur politique sociale dispendieuse). Les propos d’un des dirigeants de I’UDC vaudoise soulignant que «ce n’est pas de gaîté de cœur, c’est une décision de raison» relève davantage de la litote que du discours politique. On aurait aimé entendre des paroles fermes et solides. Mais pas du verbiage flasque et sans texture. Pour un parti qui se vante d’être le plus grand de Suisse, il semble que l’ambition cède le pas à l’indifférence.
Ni pour, ni contre
La politique n’est pas chose aisée, certes. L’homme politique qui s’y engage devrait le savoir avant que de donner quelque espoir à une part de la population qui lui a offert sa voix (12,8% des votants), sa conscience, sa confiance. L’«horrible parti qui fait peur» a eu peur. Peur de lui-même en perdant la face, en ne répondant plus aux idéaux du parti agrarien.
M. Dessauges, soutenu par le PLR, n’a-t-il pas, en effet, clairement affirmé être «le candidat du centre-droite vaudois»? Erreur stratégique et politique. Bon nombre d’électeurs purs et durs ont certainement refusé d’accorder leur voix à un représentant qui n’assumait pas franchement sa position, c’est-à-dire la droite. Et adopter l’attitude bien vaudoise du «ni pour, ni contre, bien au contraire» ne pouvait que conduire à la défaite. De par sa popularité déclinante, L’UDC vaudoise se devait de présenter un papable fort de ses convictions, à même de soulever un électorat en sa faveur. Hélas! Cette Union se meurt-elle lentement dans le canton? Je le crains.
Jean-François Aubert