L’empêcheur de bétonner en rond, la hantise des promoteurs-spéculateurs, s’en est allé rejoindre les étoiles dans sa 92e année. Sensible (ultra-sensible?) à la beauté de divers paysages en Suisse et à l’étranger, touché par le massacre de très jeunes mammifères marins (phoque ça cesse?), Franz Weber, journaliste bâlois exilé en terre vaudoise n’a cessé, sa vie durant, de secouer le cocotier de l’immobilier… Vu les résultats obtenus, les défenseurs du patrimoine peuvent lui tirer un grand coup de chapeau! Ses élans lyriques, ses coups de gueule, mettant parfois mal à l’aise ses interlocuteurs ont, il faut bien l’admettre, suscité maintes fois des réactions salutaires. Le peuple l’a souvent suivi, et les politiciens ont été obligés d’adapter la législation pour qu’il reste encore, dans notre pays, des endroits superbes, dont la beauté pourra être préservée. Ses combats pour sauver le site antique grec de Delphes, pour conserver intacts les villages et les abords des lacs de la Haute Engadine, pour sauvegarder Giessbach, admirable propriété au bord du lac de Brienz, accessible au public, ses luttes acharnées pour éviter la multiplication peu raisonnable des résidences secondaires en Valais, son engagement pour sauver Lavaux et son vignoble en terrasses, qui aurait probablement assez vite ressemblé à Hong-Kong sans sa détermination, à telle enseigne que l’UNESCO l’a inscrit au patrimoine mondial et que l’Etat de Vaud l’a mis sous protection… Tout cela restera dans nos mémoires. Cet homme à la crinière de lion, toujours en costume-cravatte, au fort caractère, a pu compter sur Judith, épouse engagée et compréhensive. Sa fille unique a repris le flambeau, dans un style très différent, avec plus de rondeur(s), alliant douceur et fermeté. Ayant hérité des convictions de son père, on peut dire qu’à travers Vera, Franz vivra…
Lorsqu’on voit pulluler les grues dans beaucoup de régions de notre pays, et notre canton n’est pas en reste, on ne peut s’empêcher de penser qu’il pourrait bien y avoir prochainement une éruption de petits Franz Weber, lesquels lutteraient pour que chaque contrée conserve son charme et qu’on ait encore du plaisir à y vivre, tout simplement… Sans pour autant qu’on nous empêche de nous ressourcer, en tous lieux et en toute liberté, bien entendu!
Herbé