A vingt ans, presque vingt-et-un, Paul Henchoz arbitre régulièrement des matches jusqu’en 2e ligue. A côté de son travail d’aiguilleur du ciel, il fait partie du «Groupe espoirs» des arbitres du canton de Vaud. Le jeune Combier se voit drafté d’ici quelques années pour siffler des matches de ligue nationale et marcher sur les traces des Stéphane Cuhat et autres Philippe Leuba. Interview.

Paul Henchoz, vous avez été joueur avant d’arbitrer, forcément…
J’ai joué à tous les postes, mais celui que j’ai tenu le plus longtemps, c’est celui de gardien. Ces trois dernières années, j’ai peu joué et là, cela fait une année que j’ai arrêté définitivement.
A quand remonte votre activité d’arbitre?
En fait, je ne me rappelle pas trop, c’est peut-être pas très romantique, mais je devais avoir quatorze ans et j’avais besoin de thune. Bien sûr, depuis longtemps, la motivation a changé: c’est vraiment la passion du foot.
Arbitrer est un défi. C’est complexe d’allier l’effort physique à la lucidité et la connaissance de pouvoir prendre les bonnes décisions en une fraction de seconde.
La gestion psychologique est très intéressante. En fait, ma motivation, c’est de pouvoir donner à un match de foot l’image que j’aimerais que le foot ait, que ce soit au niveau du jeu ou de l’état d’esprit, du respect.
Mais… est-ce entre vos mains? C’est vrai qu’on voit de plus en plus les décisions arbitrales décider du sort d’une partie…
C’est vrai, ce n’est pas complètement entre mes mains. Mais tout de même, l’arbitre peut décider de beaucoup laisser jouer ou à l’inverse, d’intervenir souvent. Il peut faciliter certaines choses ou en surveiller particulièrement d’autres, par exemple les duels aériens. Ce sont chaque fois des détails, mais une série de détails mis bout à bout, comme vous le dites et voilà que l’arbitrage change complètement le match!
Où en êtes-vous dans votre formation d’arbitre?
Je fais partie des Espoirs vaudois. Si on revient en arrière, il existe un groupe jeunesse, d’environ 25 personnes, qui prépare les jeunes les plus talentueux. Les meilleurs sont retenus dans un groupe plus restreint d’une douzaine de personnes: les Espoirs. Ce groupe est l’antichambre de la Swiss Academy de Berne. Chaque association cantonale peut présenter deux candidats à Berne par an, plus deux autres comme arbitres assistants. La formation dure alors trois ans, à raison d’un rendez-vous par mois, cours et tests. Les diplômés de l’Académie pourront arbitrer en première ligue et plus. Je me vois drafté pour l’académie dans peut-être deux ans ou trois ans.
A propos de formation des arbitres: vous laisse-t-on beaucoup de marge en vous responsabilisant ou au contraire, est-ce un moule contraignant qui laisse peu de liberté individuelle?
Ah, il y a un débat, là. Pendant longtemps, disons entre 2000 et 2015, il y a eu une tendance à l’uniformisation. Un standard précis devait produire des arbitres robotisés. C’était encore plus marqué en France, où le talent de manager des individus n’avait que peu d’importance; plusieurs ont arrêté à cause de ça. L’accent actuel porte beaucoup plus sur la personnalité, depuis qu’un certain Roberto Rosetti a été élu à la tête de la commission des arbitres de l’UEFA [succédant à la légende italienne Pierluigi Collina ndlr.]
Vos meilleurs souvenirs à ce jour et… peut-être, votre pire?
Mon meilleur souvenir, c’est un match avec plus de trois cents personnes spectateurs, le public qui pousse son équipe chaque fois qu’elle récupère le ballon, l’adrénaline qui monte, le match chauffe un peu, mais j’arrive à le garder sous contrôle; il y a des retournements, des buts à la dernière minute et les joueurs qui viennent me remercier à la fin, le match parfait, quoi, où tout s’est bien combiné.
Dans les autres bons souvenirs… j’avais sanctionné un joueur à tort; j’ai reconnu mon erreur et je l’ai expliquée au jour. Un gars super, il s’est énervé sur le moment, mais il a compris et à la fin de la partie, on s’est retrouvés autour d’une bière. J’ai aussi arbitré des M18 de grands clubs, là, ça joue bien, ça joue propre, je pense par exemple aux juniors du FC Bâle entraînés par Alex Frei [l’ancien buteur de l’équipe suisse].
Mon pire souvenir remonte à la fin de l’hiver dernier… Un match où tout est parti en cacahuète. J’ai dû exclure cinq joueurs de la même équipe. Toute l’équipe et les spectateurs étaient persuadés que j’étais venu exprès pour les couleurs. Ils m’ont insulté pendant toute la partie et même après. J’étais seul, sans assistant, vulnérable face à beaucoup de gens. J’ai même reçu une menace de mort… Cela m’a marqué pour longtemps, mais j’ai aussi beaucoup appris.
On ne l’a pas précisé, mais depuis trois ans, vous arbitrez les adultes jusqu’en deuxième ligue, avec des joueurs plus âgés que vous. Difficile de se faire respecter?

On a peut-être moins de facilité à se faire respecter, mais sur l’ensemble, la jeunesse n’est pas forcément un désavantage. Dans mon cas, cela pose rarement le problème. Si on est bon et que les joueurs ont la même impression, l’âge ne comptera pas. Il y a tellement d’arbitres chevronnés qui ont une vision vieillie du foot et peuvent être moins à jour avec les nouvelles règles… Et la confiance en soi, en tant qu’arbitre, ne vient pas forcément de l’âge.