En écho à la crise qui secoue le Chili, Ciné-Doc vous présente une séance événementielle autour du documentaire «La Cordillère des Songes» de Patricio Guzmán. Prix du meilleur documentaire à Canne 2019, ce film permet de porter un regard sur l’histoire et le présent d’un pays au centre de l’actualité.

La Cordillère des Andes repère incontournable constitutif de l’identité du Chili, est aussi une muraille dressée entre ce territoire et le reste du monde. Partant de cette chaîne de montagnes, cette terre inconnue qui symbolise son exil, le réalisateur interroge le passé et le lien qui l’unit à son pays tout en rendant hommage à celles et ceux qui sont restés et se sont battus contre la dictature.
La Cordillère des Songes – France, 2019, 85’, VO-ST FR, 16/16 ans
Vallée de Joux, dimanche 19 janvier, 10h30, Cinéma La Bobine.
Discussion et concert (avec Marine Meylan) en présence de Patricia Tondreau, musicienne chilienne. Petit-déjeuner offert avant la séance à 10h00.
Aussi à Orbe, Monthey, Bulle, Payerne et Chexbres.
Détails: www.cinedoc.ch
Cinq questions à Daniel Wyss
Cinéaste (Le Barque n’est pas pleine, documentaire, Suisse, 2014).
Présent à Payerne le vendredi 13 janvier pour la projection de 18h15.
Vous avez réalisé un documentaire au sujet de chiliens qui fuyaient leur pays suite au coup d’Etat de 1973 (La barque n’est pas pleine). Pouvez-vous nous expliquer de votre point de vue et avec votre connaissance du sujet les événements actuels qui secouent le Chili?
Actuellement, le pays connaît des injustices sociales gigantesques. La société est extrêmement clivée. Mais les manifestations répondent à Guzmán: il y a bien une mémoire, les gens manifestent pour leurs droits et pour une société plus juste. Toutefois, une répression s’oppose à eux à nouveau et fait revivre, toute proportion gardée, des événements des années 1970, c’est terrifiant.
Les fantômes de cette période de l’histoire sont encore tangibles, Patricio Guzmán va chercher ce que d’autres voudraient oublier ou occulter. Comment un cinéaste peut-il contribuer au travail de mémoire par son travail?
La réalisation de films documentaires est bien sûr importante: trouver des témoignages, montrer des moments forts et les mettre en relation. Avant «La Cordillère des songes» Guzmán a réalisé bien d’autres films sur le Chili, certains dans des conditions très difficiles. On y retrouve par exemple des images qui documentent le début de la guerre civile et le coup d’Etat de 1973. En plus de cela, un pas important se fait lorsqu’on réalise des films de fictions. Cela change la donne. Ils sont distribués plus largement, à la télévision à des heures de grande écoute, les rôles sont tenus par des acteurs connus. Ces films ne sont pas entièrement justes et précis, mais pour autant la réalité des faits historiques racontés ne sera plus disputée. Par exemple, le fait que le film «No» (2012) ait eu un écho important indique qu’on ne remet plus en question ce qui s’est passé et que ce travail de mémoire peut se faire.
Parmi les personnes interrogées dans le film de Guzmán, certaines sont restées pendant la dictature. Le réalisateur s’est exilé. En réalisant votre documentaire, qu’avez-vous pu percevoir de ce questionnement autour de l’exil?
Nous avons eu l’occasion d’interviewer un grand nombre de chiliens. Beaucoup de personnes exilées ne sont pas rentrées au pays pendant une quinzaine d’années et ont vécu un grand choc lorsqu’elles ont pu y retourner. Elles se sont rendu compte que le pays n’était plus du tout le même, le rêve était cassé. Restait le constat de la ruine sociale et philosophique que le pays avait traversée. C’est un choc violent, qui pour nombre d’entre elles les a empêchées de se rétablir au Chili.
Quels sont les espoirs aujourd’hui au Chili pour les jeunes et la population en général?
A mon avis, cela dépasse le Chili et concerne l’Amérique latine de façon générale. Ce qu’on observe au Chili se passe également en Bolivie, au Brésil, en Argentine ou encore en Equateur. Ces pays ont vécu des régimes dictatoriaux extrêmement répressifs dans les années 1960-1980. L’espoir est qu’ils puissent garder un œil sur leur propre passé. Il faut qu’on relate les événements d’aujourd’hui et qu’on les mette en perspective, qu’on n’oublie pas que ces événements font écho au passé.
Propos recueillis par
Mélissa Veuthey