C’est au cœur de Madrid, la grande métropole, capitale de l’Espagne qu’en 1948 naît Francisco Sanchez.
On lui dit Paco, c’est plus court et sympathique. Il n’a qu’une sœur aînée, elle a sept ans de plus. Paco a deux ans lorsque son père décède. La maman doit élever seule ses deux enfants. Sa sœur veille sur son petit frère. Paco est scolarisé au sein d’une institution catholique, c’est la règle en Espagne.
Sa sœur rencontre et fréquente un jeune espagnol qui est mécanicien de poids lourds. Cette mécanique n’a pas de secret pour lui. Mais il affronte quelques difficultés pour exercer son métier, il ne trouve pas de travail ce qui l’incite à consulter la presse suisse, la «Tribune de Genève.» Beaucoup d’entreprises cherchent des collaborateurs. En parcourant ces offres d’emploi, il découvre une annonce où l’on cherche un mécanicien de précision. C’est l’entreprise Audemars Piguet. Il propose ses services. En retour, un courrier l’invite à venir se présenter.
Le voyage en valait la peine, AP l’engage et lui propose une formation en micromécanique. La pénurie de personnel de cette époque incite les entreprises à former leurs collaborateurs.
Une année plus tard il rentre en Espagne pour se marier, puis retour à la Vallée de Joux avec sa jeune épouse. Paco et sa mère restent seuls à Madrid. La sœur de Paco attend un bébé. Elle propose à sa mère de venir s’établir à La Vallée avec son frère Paco. L’heureuse grand-maman pourra ainsi s’occuper du futur bébé. Une grande décision est à prendre, quitter Madrid pour venir habiter en «terre inconnue». Si ce changement préoccupe la maman, Paco lui est ravi. Faut dire que par ce départ il échappe ainsi aux examens de fin de première année de son apprentissage d’électricien! Il n’aurait pas choisi ce métier… Juin 1963, Paco et sa mère prennent le train via Genève…Cette arrivée en gare de Cornavin, il s’en souviendra. A la sortie du train, les passagers en provenance d’autres pays, même avec un visa d’entrée en Suisse et une promesse de travail doivent obligatoirement passer une visite médicale. Une longue file s’est formée, chacun attend son tour. Paco et sa mère ne sont pas dans cette file car eux arrivent en touristes et échappent à cette visite. Il pense souvent à cette image, voit cette file de gens venant en Suisse où les autorités veulent s’assurer de leur bonne santé! Ces formalités ont surpris le jeune madrilène…
Bien arrivés à la Vallée de Joux, ils s’installent chez la fille et le beau-fils.
C’est l’été, Paco a 15 ans, il doit terminer sa scolarité au Brassus. Il ne parle pas le français. L’enseignant le place à côté de Pedro lui aussi Espagnol.
C’est avec lui qu’il apprend la langue de Molière. Aujourd’hui encore Pedro et Paco sont liés par une sincère amitié créée sur les bancs de l’école.
Passée cette année, il est temps pour Paco de trouver une place d’apprentissage. La manufacture AP forme des apprentis mécaniciens. Il se renseigne. On lui accorde une place, mais au dernier moment c’est un Suisse qui l’aura!
Finalement c’est à la fabrique Lémania qu’il peut apprendre l’horlogerie. Il est adroit et habile, on lui propose même de le «payer aux pièces», c’est une aubaine! Son salaire va augmenter. De cela il n’en parlera pas à sa mère car c’est elle qui dispose de sa paye. La différence prélevée augmente son argent de poche! Les 20.- francs qu’elle lui donne, c’est bien peu. D’autant plus que Paco est amoureux, pour sortir avec son amie il faut quelques sous! L’élue de son cœur est une vraie Combière, elle se prénomme Evelyne. Dès lors un sentiment d’indépendance habite Paco. Après l’internat catholique, la vie en famille chez sa sœur, il souhaite maintenant sa liberté. Il a l’ambition de vouloir compléter sa formation, s’inscrit pour un cours d’informatique par correspondance; il obtient son diplôme. Sa fiancée est laborantine, elle partage son travail entre le cabinet du Dr Louis-Charles LeCoultre et l’hôpital de La Vallée. Les jeunes fiancés se marient en 1970. La naissance d’Andréa et plus tard de Laura comblent le jeune couple de bonheur… Evelyne souhaite se consacrer aux enfants et reste travailler à la maison, l’éducation de leurs enfants est primordiale. Pour le bien-être de tout ce petit monde, Paco souhaite disposer d’un salaire plus conséquent. Il postule pour une place à responsabilités chez Dubois Dépraz. Mais le salaire proposé n’est pas respecté, il ne signe pas le contrat… L’entreprise Audemars Piguet engage Paco et lui propose de suivre la filière appelée article 41. Pendant trois ans il suit les cours théoriques à l’Ecole d’horlogerie puis la pratique dans l’entreprise. Après les examens finaux, il obtient un certificat fédéral de capacité (CFC). Le voilà horloger complet. Quelques années plus tard, au vu de ses compétences, il est nommé responsable du département «Assemblage mouvements.»
La direction de la célèbre école de Neuchâtel, le WOSTEP demande à Paco de venir comme expert lors des périodes d’examens. Monsieur Simonin, directeur de cette école de réputation internationale où l’on perfectionne des horlogers, lui présente un compatriote M. Asconegui. Celui-ci a obtenu un diplôme de maçon en Suisse. Les méthodes d’enseignement l’incitent a créer un centre de formation professionnelle, en ville de León, selon la méthode helvétique. On y enseigne les métiers du bois, du fer, et de la chaux. Cette école est très appréciée dans une Espagne en plein développement.
M. Asconegui propose à Paco et sa famille de venir s’établir à León, afin d’y ouvrir une classe d’horlogerie.
Après réflexions, Evelyne et Paco pèsent «le pour et le contre». Bien que ce projet provoque leur admiration et leur envie, ils renoncent à quitter La Vallée… Le couple reste déterminé, leur philosophie s’impose: leur troisième enfant sera adopté. Après plusieurs années de démarches administratives, la petite Padmaja, tant attendue arrive en provenance des Indes à l’aéroport de Zürich. Une grande émotion pour le couple qui accueille cette magnifique petite fille orpheline d’une année. Paco la prend dans ses bras. Par son regard si intense, Evelyne et Paco réalisent la responsabilité qui leur incombe et tout l’amour à donner pour leur troisième enfant. Ils s’en trouvent très impressionnés. Le couple n’oubliera jamais ce moment tant attendu des larmes de joie plein les yeux.
Leur fils aîné Andreas apprend la mécanique de précision à l’ETVJ. Pour parfaire sa formation il continue ses études et obtient un «bachelor»: manager d’entreprise. Laura est libraire à Genève. Elle travaille aussi à la librairie francophone de la RTS. Padmaja a fait une formation de fleuriste. Maintenant elle travaille dans le réseau des mamans de jour, région de Nyon. Pour le bonheur d’Evelyne et Paco leurs trois enfants, à leur tour, sont devenus parents.
Paco s’est beaucoup impliqué dans la vie locale. Il a présidé le syndicat UNIA Vaud pendant deux ans, puis pendant une quinzaine d’années la section Vallée de Joux.
La fameuse Chorale du Brassus compta Paco parmi ses membres pendant dix-huit ans. Actuellement il préside l’association «Connaissance 3» Vallée de Joux.
Toujours intéressé par la cause
publique, il reste membre du Conseil communal de la Commune du
Chenit.
Par sa philosophie empreinte de sagesse, de bon sens et de sérénité Paco acquiert une culture protestante qui lui convient. Pour sa famille il a pris la nationalité suisse, ce pays qu’il ne quitterait sous aucun prétexte.