La campagne pour l’initiative de limitation de la libre circulation des personnes provoque un duel d’arguments entre initiants et opposants face auquel toute personne non avertie peut facilement se perdre. Il s’agit de retrouver ou non le droit que nous avons perdu en 2001 de gérer librement la venue de main d’œuvre étrangère en Suisse; non pas de supprimer cette main d’œuvre, mais d’en reprendre le contrôle pour la limiter aux domaines souffrant de pénurie.
Un argument des opposants est que résilier la libre circulation des personnes supprimerait les «mesures d’accompagnement», mesures visant à protéger les conditions de travail en Suisse, à prévenir le dumping salarial et les conditions de travail suisses pour les travailleurs étrangers. En bref si l’on est un travailleur provenant de l’Union européenne (et uniquement pour les travailleurs provenant de l’UE), ces mesures garantiraient sur le papier le droit aux conditions suisses de salaire et de travail.
Sur le papier, avons-nous dit. La réalité est très différente. Le premier point à relever est que ces mesures d’accompagnement ne garantissent que les conditions minimales impératives de travail et de salaire en Suisse. La concurrence salariale pour toute personne bénéficiant aujourd’hui d’un salaire ne serait-ce que très légèrement supérieur à ces conditions minimales reste donc bel et bien existante. La libre circulation des personnes a ainsi comme conséquence directe et inévitable une pression vers le bas des salaires suisses jusqu’à leur minimum admis, et les syndicats admettent sur leurs sites internet que ces mesures sont tout simplement insuffisantes pour protéger nos conditions de travail et de salaire. Ceci est une des raisons majeures qui rendent l’acceptation de cette initiative urgente afin de garantir un niveau de vie suffisant, et si possible confortable, pour toute personne établie en Suisse.
Ainsi, si ces mesures étaient respectées, elles ne suffiraient ni à assurer à la main d’œuvre que nous faisons venir une situation confortable en Suisse, ni à garantir aux personnes travaillant déjà ici un maintien de leurs conditions de travail et de salaire, sans les soumettre à un dumping salarial insupportable. Si elles étaient respectées. Les contrôles effectués révèlent des infractions dans un quart des entreprises; pour les entreprises de location de service, le taux d’infraction va même jusqu’à 45%. Rappelons-nous le cas de ces travailleurs italiens employés sur le chantier des TPG en 2019 que des contrôles ont révélé être rémunérés entre 8 et 10 francs de l’heure. Tarif qui reste bien largement supérieur à ce qu’avaient touché des travailleurs du bâtiment portugais à Aclens en 2012, rémunérés à hauteur de trois euros de l’heure. Est-ce vraiment ce que nous voulons proposer aux travailleurs étrangers dont nous avons besoin? Est-ce ce niveau de concurrence que nous voulons imposer aux travailleurs établis en Suisse? Le rôle que joue la libre circulation des personnes sur l’explosion du taux de chômage dans les domaines de la construction, de la vente ou du tourisme et sur le taux de chômage toujours croissant des personnes de plus de 55 ans est indéniable, et il est urgent de réagir pour protéger non seulement nos travailleurs locaux, mais également notre main d’œuvre importée de conditions de travail inacceptables.
L’UE, grande ennemie des mesures d’accompagnement
L’UE s’est ainsi clairement affichée contre l’intérêt des travailleurs en Suisse au profit de la concurrence européenne; elle ne veut pas des mesures d’accompagnement et les a même attaquées frontalement plusieurs fois depuis leur introduction, appelant à leur démantèlement. En 2007 la Cour de justice européenne les a déclarées partiellement illicites, ne respectant pas «les principes de l’UE en matière de proportionnalité et de non discrimination».
L’Union européenne travaille encore depuis 2014 à la constitution d’un accord-cadre qui, entre autres, exige la réduction de la protection des salaires en Suisse. Cet accord-cadre, soutenu par la gauche, le PLR et le centre, est tout simplement une attaque frontale non seulement à la souveraineté suisse, mais à notre volonté de garantir des revenus suffisants à tous les travailleurs exerçant ici. Seule la prise de position claire et unanime de l’UDC contre cet accord-cadre a permis qu’il ne soit pour l’heure pas accepté par nos élus.
Prétendre qu’il faut conserver la libre circulation pour maintenir une certaine protection des travailleurs est donc d’une incohérence absolue. L’UE a affiché et réitéré sa claire volonté de ne pas poursuivre dans cette voie et de sacrifier les conditions de travail suisses au marché unique. Face à l’échec cuisant du système de libre circulation avec mesures d’accompagnement, seule une reprise en main souveraine et libre de notre main d’œuvre et de nos conditions de travail peut désormais permettre d’espérer une situation à l’avenir moins nuisible pour nos employés. Il existe aujourd’hui un permis F qui a supprimé et qui continuera de supprimer le statut souvent précaire de saisonnier que certains ont pu connaître. La Suisse aura la liberté de conserver, voire même de renforcer les mesures d’accompagnement sans pression de l’UE contre elles. Les conditions collectives de travail négociées jusqu’ici ne seront pas abolies. Les contrôles ne seront pas rétablis aux frontières. Résilier la libre circulation, loin d’être un retour en arrière, est au contraire l’occasion d’un nouveau départ, d’un pas en avant et dans la bonne direction, au profit de notre population et dans le respect des employés. C’est ce que propose l’initiative de limitation sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer le 27 septembre prochain et que toute personne ayant à cœur le maintien de notre niveau de vie et de notre accès au travail sans concurrence abusive doit soutenir.
Lucie Rochat
Présidente des Femmes UDC romandes
Le Brassus