Je rentrais de vacances d’Italie ce jour-là avec mon amie, le 30 août 1965. Arrivés en Suisse, sur la route de Brigue à Viège, c’est tout d’un coup, dans une incroyable tension, un bal frénétique d’ambulances, sans discontinuer. Un peu plus tard par la radio nous apprîmes le désastre: un barrage s’était écroulé, et il y avait beaucoup de victimes. C’était la catastrophe de Mattmark.
Le bilan final fut de 88 morts, dont 57 saisonniers italiens. Des travailleurs logés dans des conditions plus que précaires, des travailleurs qui œuvraient pour le bien de la Suisse et qu’ensuite on pouvait renvoyer chez eux, année après année.
A la suite de cette tragédie, quelques années plus tard, l’affaire fut portée devant les tribunaux, et les dix-sept prévenus, directeurs, ingénieurs et hauts fonctionnaires, furent acquittés. Les frais de justice furent mis pour moitié à la charge des familles des victimes! Et c’est l’Etat italien qui finalement prendra en charge les frais de justice!
Je n’ai jamais oublié cette étrange soirée.
Cette catastrophe fait partie de l’histoire de ce qu’est le rapport de notre pays aux travailleurs étrangers.
Ces travailleurs et travailleuses venus d’Italie, d’Espagne, du Portugal, et d’un peu partout, ils ont pour une part importante construit les infrastructures modernes de notre pays, routes et bâtiments en particulier. On les retrouve employés à la voirie, dans la restauration, comme personnel de maison, comme concierges, occupés aux tâches les plus humbles et les plus essentielles.
C’est à elles et à eux, qui ont donné jusqu’à leur vie pour notre pays, que je pense quand je voterai NON à cette «Initiative de limitation» xénophobe de l’UDC.
Les domaines où cette contribution essentielle au bien-être helvétique se fait voir abondent. Il y a le sport aussi: Sarah Atcho la Vaudoise, Jason Joseph le Bâlois, deux stars de l’athlétisme suisse, d’où viennent leurs parents et grands-parents? Prenez la liste des footballeurs de l’équipe nationale: ils s’appellent Xhaka, Seferovic, Akanji, Mvogo, Mbabu, et j’en passe. Leurs patronymes doivent faire cauchemarder nos xénophobes d’aujourd’hui.
Alors NON, définitivement NON à cette initiative.
Rendre un petit peu de tout ce que ceux qui sont venus d’ailleurs nous ont donné en leur témoignant de la reconnaissance, ce n’est pas plus que ça.
Bernard Walter