
Vous connaissez la ville d’Invercargill?
En tout cas pas moi. C’est en rencontrant Mme Alison Piguet que j’ai appris qu’il s’agissait d’une cité située tout au Sud, de l’île du Sud, de la Nouvelle Zélande (NZ).
Long est le parcours que cette Néo-Zélandaise a dû faire pour venir s’installer dans la Vallée de Joux, mais les femmes de ce pays n’ont pas froid aux yeux. Elles ont lutté avec énergie pour avoir le droit de vote. Elles l’ont obtenu en 1893!!
La Nouvelle Zélande fut le premier pays au monde à les reconnaître politiquement!
Issue d’une famille de paysans, son enfance se déroule entre champs de céréales, troupeaux de vaches, et de moutons. C’est un environnement qu’elle partage avec ses parents et ses six frères et sœurs. C’est une grande famille dans un grand pays.
Les fermes voisines se trouvent à une dizaine de kilomètres les unes des autres si pas plus loin.
Arrivé le temps de créer une famille, la jeune Alison se marie tout naturellement avec un paysan du pays. Les fermes en NZ sont le domaine des couples. Ainsi la vie entre champs de blé, de colza, de soja et d’autres céréales avec toujours la présence du bétail, continue. Les dimensions des champs, comme celles des pâturages sont à l’image du pays.
Cette vie bien rodée va subir un bouleversement.
Loin de la Nouvelle Zélande, dans la Vallée de Joux, deux jeunes paysans promis à suivre la tradition familiale de l’élevage de vaches laitières, ont envie d’une parenthèse avant de reprendre l’affaire familiale.
Ainsi les deux amis décident de partir le plus loin possible pour une période de 6 mois, car ils cherchent l’aventure et le dépaysement.
Une organisation suisse se charge de leur souhait: les billets d’avion d’un côté plus un séjour de deux semaines de cours d’anglais dans le pays d’accueil.
Ils hésitent entre l’Australie et la Nouvelle Zélande. Finalement c’est cette dernière qui l’emporte.
Arrivés à destination, une autre organisation locale s’engage à leur trouver une place de travail dans la paysannerie.
Un des jeunes Combiers arrive dans la ferme d’Alison.
Passés les 6 mois, le cœur du jeune Suisse n’est plus libre, une partie néo-zélandaise s’y est accrochée et il veut rentrer avec elle, mais Alison veut visiter le lieu avant de se décider. Elle veut savoir à quoi ressemble cette Vallée si lointaine.
Elle arrive au mois de mai, juste à temps pour participer à la montée des vaches.
Quelle va être sa surprise en voyant les vaches décorées de fleurs, avec leurs grandes cloches autour du cou et avec des cornes (en NZ on les brûle à leur naissance)! Jamais elle n’a vu une chose pareille, les couleurs, les vaches excitées à la montée vers l’alpage, les bruits pour les maintenir sous contrôle. Enfin tout un spectacle qui l’enchante, la surprend, l’émerveille et en plus elle se sent honorée d’être invitée à un pareil événement. Alison est tout simplement aux anges!
Finalement le paysage n’est pas si différent de celui qu’elle connaît et affectionne; alors passé un mois elle dit oui au jeune Combier.
De ses trois enfants nés en Nouvelle Zélande seulement la petite fille va l’accompagner dans cette nouvelle aventure. Les aînés vont suivre leur scolarité et la compléter par des études universitaires chez eux en NZ.
Comme beaucoup d’enfants paysans ils vont aller en pensionnat, car les distances sont grandes et les universités ne se trouvent pas près des fermes.
A la Vallée la petite fille intègre l’école locale et en 6 mois elle va parler le français sans accent et maintenir sa langue maternelle, l’anglais.
Alison ne connaît pas la langue de Molière, mais elle va l’apprendre tout naturellement avec sa fille scolarisée et les gens du pays qu’elle croise.
Le temps passe et deux nouveaux enfants vont venir compléter la famille Piguet.
A la ferme on parle l’anglais et quand les amis arrivent, on change pour le français, politesse oblige.
Naturellement il y a des coutumes qui la surprennent tout au début:
Les 3 bisous traditionnels; les heures passées à table; le manque de couleurs des maisons; la neige, si peu présente dans sa ville natale et qui reste longtemps sur le sol combier; les villages les uns si près des autres; l’étroitesse des routes ainsi que la conduite à droite; la grande quantité de plastique enveloppant les produits dans les magasins; la verrée, acte social vaudois où les verres se remplissent de vin blanc (normalement du Chasselas) à l’heure de l’apéro. Tout cela forme maintenant partie de sa vie. Elle est devenue quelque peu Vaudoise. Ses origines toujours présentes s’enrichissent.
Concernant la vie scolaire Alison voit une grande différence entre ses deux pays.
Pendant que chez elle, les parents participent à la vie scolaire de leurs enfants, surtout aux multiples événements sportifs, aux concours scolaires, comme parler en public, tous ces moments qui permettent de faire connaissance entre les familles et élargir ainsi la vie sociale, apparaissent ici si discrets. C’est un fait des distances? Où les retrouvailles sont des moments de réjouissances vu qu’on se voit si peu?
Les places gazonnées à l’école néo-
zélandaise où les enfants peuvent jouer apparaissent ici goudronnées.
Et les quatre saisons annuelles si marquées en NZ et qui en cette partie de la Suisse semblent passer directement de l’été à l’hiver.
Pas mal de différences qu’Alison va intégrer pour se faire une place dans son pays d’accueil.
Elle aime vraiment la vie à la ferme qui réunit tous les jours la famille au complet. Les enfants sont dedans et dehors sans problème, pendant que les vaches unissent tout ce monde.
Le lait produit par le troupeau est livré au Brassus pour être transformé en Gruyère ou en Vacherin.
Du mois de mai au mois de septembre, les vaches montent à l’alpage et le reste de l’année elles le passent à la ferme.
Les vaches suisses sont très bien traitées. Trois mois avant la montée on leur coupe les ongles et quand elles rentrent on leur rase le poil, car dans l’écurie elles ont chaud.
Rien à voir avec les vaches néo-
zélandaises qui passent toute leur vie dehors. Pas de manucure, ni de coiffeur, ni des vacances à l’alpage.
Alison aime ces animaux et elle me fait comprendre que comme nous, elles ont leur propre caractère. Elles peuvent être fofolles ou timides mais toujours curieuses. Même les cornes ne lui font plus peur.
La stabulation libre comporte un abri pour les vaches dans leur période hivernale. Cette nouvelle construction intéresse en NZ car on veut améliorer la condition de vie des animaux; contre le froid et la pluie ce serait une très bonne solution. Alors quand elle vole vers son autre pays pour visiter ses deux aînés, ses sœurs, ses frères et sa mère, elle échange son savoir suisse avec ses amis fermiers et la stabulation y prend une place importante.
Le mot «Kiwi» est le nom d’un oiseau nocturne qui ne vole pas et se trouve uniquement en NZ. Il va donner ce nom aux trains: KiwiRail, à une banque: Kiwibank, à une caisse de pension: KiwiSaver, à un fruit venu de Chine et renommé: kiwifruit et naturellement aux habitants de la NZ. Ils aiment se faire appeler: kiwis, beaucoup plus court et facile que Néo-
Zélandais ou Néo-Zélandaises.
Le cœur d’Alison s’est agrandi. Maintenant il y a une partie suisse à côté de la partie kiwi.
Pour s’adapter à cette partie du Jura, notre kiwi a appris à regarder, à écouter et à s’intéresser à l’autre. Elle a agrandit sa culture et a fait ses choix, ainsi elle est devenue une Combière bien à elle toujours avec ses vaches et sa famille autour d’elle.
Pour les Olympiades de la Jeunesse en janvier 2020 elle a tout naturellement apporté son soutien comme bénévole, car l’anglais était très demandé.
A la ferme le drapeau kiwi flotte à côté du drapeau suisse!
E. Dutruit