J’aimerai répondre aux arguments du PLR qui s’engage pour le refus de l’initiative pour des multinationales responsables (lettre de lecteur du jeudi 19 nov.).
Chacun des arguments avancés par le PLR peut être démenti:
1. «L’initiative nuirait aux PME suisses»: les opposants à l’initiative entament là une manœuvre de diversion, en affirmant que 80’000 PME sont concernées par l’initiative, ce qui est faux. L’initiative veut remédier à l’absence de responsabilité de seulement quelques grands groupes internationaux comme Glencore ou Syngenta. Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’Union suisse des arts et métiers, a lui-même déclaré que les affirmations du lobby des multinationales sont «absurdes». Les 80’000 PME suisses ne sont pas concernées à quelques rares exceptions; la plupart des multinationales respectent les règles. Mais certaines se moquent des standards environnementaux et ignorent les droits humains. Seules ces multinationales-là seront concernées pour des dommages causés par elle-même ou par leurs filiales.
«Aucun autre Etat n’appliquerait ce renversement du fardeau de la preuve qui fait que des entreprises suisses pourraient être traînée devant un tribunal suisse en raison du comportement de leur filiale à l’étranger»:
Plusieurs Etats ont déjà introduit dans leur législation des éléments du devoir de diligence. Un nombre croissant de pays auront bientôt concrétisé un ensemble de mesures volontaires ou obligatoires recommandées par l’ONU. Si la Suisse n’agit pas, elle risque d’attirer des sociétés en quête d’espaces non régulés pour poursuivre leurs activités douteuses.
D’autre part, «l’affirmation du renversement du fardeau de la preuve» est fausse: la charge de la preuve reste telle qu’elle est déjà en Suisse: les plaignant-e-s
doivent prouver le dommage, la violation d’une loi ou d’un standard, le lien de causalité et le contrôle de la filiale de la multinationale. Si le siège suisse de la multinationale a pris les mesures adéquates pour éviter le dommage, la demande est rejetée. Les multinationales ne seront tenues responsables que pour des dommages causés par elle-même ou par leurs filiales.
«Cette initiative pénaliserait notre économie»: l’image de quelques multinationales suisses s’appuyant sur le travail des enfants et polluant des rivières pénalisera davantage notre économie; à l’avenir, dans notre monde globalisé, le peuple suisse connaîtra toujours davantage l’impact désastreux de quelques multinationales n’assumant pas leurs responsabilités. J’invite en ce sens les lecteurs de la FAVJ à découvrir l’enquête d’une ONG suisse, Public Eye, sur les oubliés de la mine de Porto en Bolivie:
https://stories.publiceye.ch
/glencorebolivie/
Le contre projet proposé n’oblige en rien les quelques multinationales qui violent les droits de l’homme et font des dégâts à l’environnement à prendre leurs responsabilités.
Les quelques multinationales peu scrupuleuses profitent en effet de la
situation dans les pays qui ne disposent pas d’un système judiciaire fonctionnel. Elles s’appuient sur le travail des enfants ou détruisent l’environnement sans craindre les conséquences. Elles n’hésitent d’ailleurs pas à recourir au droit international lorsque leurs intérêts sont lésés à l’étranger comme le révèle un article du Temps dans son édition du 20 nov.
En bref, les mesures volontaires ne suffisent pas.
Avec des personnes de tous les partis politiques, d’ONG, d’organismes d’entraide, des Eglises catholiques et protestantes, je voterai oui à cette initiative nécessaire.
Pierre Aubert
Derrière-la-Côte 5
1347 Le Sentier