Cela fait presque 10 ans que je suis arrivée en Suisse, dont 9 à la Vallée de Joux. Je suis arrivée à pied, de Syrie, avec mes deux enfants, Abdu et Janyar, de 4 et 6 ans sous les bras, pour fuir la guerre et les persécutions. Un périple long et douloureux dont je tairais les détails par pudeur. Avant de partir, je ne savais même pas que la Suisse existait. Ce n’est que parce que mon passeur m’a laissé sur le bord de la route à Chiasso avec mes enfants que j’ai découvert ce pays, qui m’a depuis accueillie. J’ai eu le bonheur de croiser des gens merveilleux qui m’ont aidée et c’est comme ça que je me suis retrouvée d’abord à Crissier, puis à la Vallée de Joux, quand mon troisième enfant, ma fille Néroz, est née.
Cela fait 10 ans que je n’ai pas pu embrasser mes parents, de peur d’être retenue là-bas, au pays. En tant que Kurde de Syrie, je ne veux pas prendre de risque pour ma vie et celle de mes enfants. Il y a peu de temps, j’ai reçu une lettre de mon père qui m’a beaucoup touchée. Je l’ai traduite afin que vous puissiez comprendre la douleur d’être séparée des siens. J’ai peur de ne plus revoir mes parents vivants, peur de ne plus pouvoir les prendre dans mes bras, de sentir leurs larmes de bonheur couler sur mes joues quand j’aurais enfin l’occasion de pouvoir leur rendre visite. La guerre est peut-être terminée mais l’horreur continue là-bas et j’ai vraiment peur pour mes parents.
A la fin du mois de juin, nous quittons la Vallée de Joux. Ce n’est pas par plaisir mais pour pouvoir trouver du travail qui nous permettra d’obtenir la nationalité Suisse par la suite. La nationalité représente beaucoup pour nous: la sécurité et surtout la possibilité de pouvoir enfin aller embrasser mes parents, qui ne connaissent Néroz que par vidéo, sans avoir peur de finir incarcérée dans les geôles syriennes. Avoir l’assurance du retour. Alors je vous dis merci amis Combiers, de nous avoir aussi bien accueillis. C’est le cœur lourd que je quitte La Vallée qui nous a tant donné, mais je n’ai pas le choix, si je veux rester en Suisse. Le permis B que nous avons obtenu ne nous protège pas, et ce n’est qu’en trouvant du travail, pour mon mari et pour moi-même que nous pourrons enfin réaliser notre rêve: devenir suisses à part entière. Voici un extrait de la dernière lettre de mon père
reçue, je tenais à la partager avec vous.
«Je crains ce jour où tu reviendras après l’exil,
Je crains ce jour où ton père et ta mère auront vieilli,
Je crains ce jour où ils ne se souviendront plus de toi.
A cet instant, je crains la douleur que tu ressentiras quand le destin se
trouvera assombri par cela.»
Encore une fois merci.
Donya Bilal