A découvrir, « La Vallée de Joux, ses écoles, des origines à aujourd’hui ». Entre méthode d’apprentissage parfois insuffisante, parfois innovante, l’auteur Edward Pahud, instituteur, doyen puis écrivain, retrace l’itinéraire d’une émergence scolaire à la Vallée de Joux.

A la lecture: une franche admiration pour ces pionniers qui ont travaillé si dur à l’éducation scolaire de leurs enfants dans un milieu difficile et précaire
On croirait un roman historique aux multiples rebondissements. Avec méthode et clarté, Edward Pahud raconte de son agréable plume l’installation des pionniers dans les terrains hostiles de La Vallée. Le lecteur rencontre ces premières familles, bravant avec eux les conditions climatiques qui ravagent les cultures, il assiste impuissant aux feux qui dévorent leurs villages, subit lui aussi l’isolement géographique et craint les animaux sauvages. Et pourtant, au milieu de tout cela, c’est à la naissance d’une école que l’on assiste. Elle est là, elle naît doucement et fait ses premiers pas, fragiles, chancelants, s’accrochant de part et d’autre, le temps de s’affermir ; puis elle avance dans une direction, hésite, et revient sur ses pas, elle tombe, se décourage parfois, mais se relève toujours. Jour après jour, année après année et siècle après siècle, le lecteur assiste à chacune des étapes. De l’adolescence du savoir, aux méthodes parfois insuffisantes, à la témérité de la jeunesse avec « l’enseignement mutuel », jusqu’à l’âge de raison aux méthodes actuelles parfois discutables mais stables et pérennes.
Un apprentissage par la Bible
Les pages se tournent d’elles-mêmes, le livre explique les conditions scolaires de tout le canton et l’adaptation nécessaire à La Vallée. Le choix des instituteurs qui se faisait sur un examen : savoir lire surtout, écrire un peu, mais avant tout être capable de guider les enfants pour en faire des adultes justes, droits et honnêtes sachant prier et psalmodier. Education basée sur la Bible, tout en s’appuyant sur l’un des aphorismes de Sénèque : « Nous apprenons le vice de nous-même mais la vertu et la sagesse ont besoin de nous être enseignées ».
Entretien avec l’auteur
Vous avez été Instituteur puis Doyen de l’école normale à Yverdon, pourquoi ce livre spécialement sur l’origine de l’école à la Vallée de Joux ?
J’ai toujours été intéressé par l’enseignement. Il y a 2 ans est sorti mon premier livre sur la méthode d’« enseignement mutuel ». L’éditeur le trouvait trop long et il y avait tout un chapitre sur la commune du Chenit. Ou on raccourcissait chaque chapitre, ou on retirait la Vallée de Joux. Ce que l’on a choisi. Mais, il n’y avait que 50 communes dans le canton qui dispensaient « l’enseignement mutuel » et j’étais intrigué. Pourquoi cette toute petite commune s’est-elle à un moment dans son histoire, lancée dans l’enseignement mutuel ? J’ai donc eu envie d’en savoir plus.
J’ai d’abord cherché des écrits sur l’enseignement mutuel au Chenit, puis j’ai rencontré Rémy Rochat, ancien archiviste de la commune, alors je suis remonté à l’histoire de l’école de La Vallée tout entière, puis en fait, pour comprendre les enjeux, à la construction de La Vallée elle-même !
L’enseignement mutuel s’est développé grâce aux méthodes de Lancaster et Bell aux Royaume-Uni. Pourquoi et comment la Vallée de Joux est-elle entrée dans ce mouvement ?
Le point central est la raison économique. Au vu de l’organisation géographique il fallait plusieurs écoles disséminées dans La Vallée et donc plusieurs régents. Or, les conditions financières de l’époque étaient très mauvaises.
L’enseignement mutuel consistait à trouver un Régent, un seul , qui mettrait en place tout un système de monitorat. Il y avait plusieurs groupes de niveaux composés de 8 enfants, chaque groupe était enseigné par un élève plus grand qui avait montré par ses compétences qu’il pouvait enseigner aux plus petits. Dans une même grande salle, un groupe chuchotait la lecture du jour, un autre apprenait à compter, un peu plus loin, un troisième récitait doucement la leçon de géographie. Le maître veillait à la formation des grands, et au bon déroulement. Il y avait un système de récompense, de médailles et de classements qui permettaient aux uns et aux autres d’être tantôt élèves, tantôt professeurs. Les élèves apprenaient ainsi bien plus vite.
Vous avez également co-écrit : « Une innovation pédagogique, le cas de l’enseignement mutuel du XIXe siècle ». Comment avez-vous découvert cette méthode d’enseignement ?
A l’origine j’étais membre de l’association pour la sauvegarde du patrimoine scolaire. Nous récoltions des livres d’école et je suis tombé sur deux guides de l’enseignement mutuel, l’un écrit par Hamel et l’autre par Bally. Je me suis passionné pour cette forme d’enseignement que je ne connaissais pas, je n’étais plus instituteur mais je me souvenais de mon premier poste où j’étais enseignant de 28 élèves avec 9 niveaux dans la même classe. Alors par la force des choses on faisait de l’enseignement mutuel car si un élève de 5e année avait terminé, on lui demandait de s’occuper de faire lire ou compter un petit. C’était déjà une forme de monitorat. La conscience que c’était une forme d’enseignement mutuel m’est venue plus tard. En Suisse, il y a eu des écoles de plus de 250 élèves dans une même classe. Tout au long de ma carrière et de ma retraite, j’ai cherché à savoir ce qu’il en était.
Un livre donc, faisant devoir de mémoire sur l’école et les conditions de vie dans La Vallée, à intégrer à sa bibliothèque !
Où peut-on trouver le livre ?
« La Vallée de Joux, ses écoles, des origines à aujourd’hui » de Edward Pahud, 2021,
– aux éditions Attinger
– A l’imprimerie Baudat
Le Crépon 1 – 1341 L’Orient
ou
– en librairie.
A surveiller !
Les éditions Attinger préparent, pour 2023, deux autres livres à propos de La Vallée.
« 51 merveilles de la Vallée de Joux » et « La Vallée de Joux, hier à aujourd’hui ».
Article écrit par Sigrid Flory

