Introduction
On trouvera ici, par le biais exclusif de la FAVJ, quelques éléments importants sur les tentatives de recherche de pétrole dans le Risoud.
On peut estimer rétrospectivement que ce fut pour la région une chance inestimable que la découverte ne se soit pas montrée positive. Car autrement qui sait ce qu’ils auraient pu faire du Risoud, autorités fédérales, cantonales et même communales, selon la bonne vieille tradition du pacte indéfectible entre politique et économie 1, prêtes assurément à une collaboration des plus complaisantes. Il n’aurait pas coûté grand-chose, en vérité, face à la manne divine de l’or noir, de massacrer quelques hectares voire quelques km2 de forêt. Et bonjour la pollution, d’autant plus avec un environnement aussi sensible, où les liquides ne restent jamais en surface mais s’en vont, par la voie de canaux aussi mystérieux qu’incontrôlables, dans les profondeurs de la montagne pour former bientôt l’Orbe souterraine.
On découvrira avec étonnement ici qu’un poisson d’avril de 1936 n’était pas très loin de la réalité et relatait tout ce qui aurait déjà pu nous arriver à l’époque ! Preuve du bien fondé de cette « galéjade », à une première lecture nous sommes bel et bien tombé dans le panneau !
La personne qui couvrit le mieux l’événement fut Roland Dupuis, rédacteur et propriétaire de la FAVJ. On devine le soulagement de celui-ci quand il se fut avéré qu’il n’y avait, à l’époque tout au moins, car allez savoir ce qui peut nous tomber sur la tête, point de pétrole exploitable au Risoud.
Quelle épopée quand même !
On se souvient avoir vu depuis de notre maison, une soirée, peut-être même plusieurs, de cela nous n’avons pas le souvenir, les immenses convois chargés du matériel d’extraction, avec principalement les longs tuyaux de forage. Ce convoi, tous phares allumés, descendait la route de Mouthe, venus de la douane franco-suisse, et passerait bientôt Les Charbonnières où nous pûmes l’admirer mieux encore. C’était impressionnant, presque dantesque. Avec pour fouiller les entrailles de notre bon vieux Risoud ce matériel effrayant, qu’allait-il nous advenir, pouvions-nous penser. Nous n’avions pas de joie ainsi à assister à cette épopée, juste un brin de curiosité, et quand même cette impression de puissance du monde économique moderne, capable de prendre en charge des régions entières quand il s’agit de faire cracher à notre bonne vieille terre tout ce qu’elle peut.
Ce fut une épopée quand même pour tous ces gens qui durent s’activer là-bas, au cœur du Risoud, durant toute une saison d’hiver. On imagine tous les problèmes techniques qu’il fallut résoudre. L’eau à amener, la neige à déblayer, le froid à affronter, bref, des conditions presque sibériennes qui durent fortement surprendre des mineurs habitués à des régions plus clémentes.
Mais l’aventure vous sera mieux contée par les quelques articles figurant dans la FAVJ. Des articles document existent sans doute aux ACChenit. Nous n’en avons pour l’heure nulle connaissance.
Et pour finir mentionnons notre regret de ne pouvoir vous proposer une retranscription de ces articles qui apparaissent ici simplement photographiés, et avec les défauts propres à un éclairage médiocre.
D’aucuns pourront toujours s’amuser à mettre en place une version quelque peu plus élaborée, rien en histoire n’étant définitivement terminé !
Alors, à bientôt.
1. On se souviendra tout de même que l’autorité exécutive du Chenit, à peu près à la même époque, n’était pas loin de céder la Combe des Begnines à l’armée !
Quand une simple galéjade peut être prémonitoire.
Du pétrole – FAVJ du 2 avril 1936
Une personnalité fort au courant des questions pétrolifères en Europe et connaissant La Vallée pour y avoir fait de nombreux séjours, nous écrit l’article suivant que nous sommes heureux de publier, car personne n’ignore l’importance que cette question peut avoir pour notre Vallée.
Ce n’est un secret pour personne : des forages dont on attend de grands résultats, vont être entrepris incessamment dans la région de Cuarny, près d’Yverdon !
La présence du pétrole dans les sédiments du Jura s’explique facilement : il y a quelques millions d’années ou de siècles, une vaste mer recouvrait notre territoire, la mer jurassienne aux eaux tièdes grouillantes de vie, riches en mollusques, poissons, coraux et cachant même dans ses abîmes d’immenses reptiles-sauriens, plésiosaure, ichtyosaure, etc… etc… Au cours des millénaires, les dépôts marins d’animalcules ont formé les puissantes assises de calcaire que nous connaissons. Nous vivons en sommes parmi les restes d’un prodigieux « cimetière » archi-millénaire.
Quant aux poissons et autres organismes de taille, la décomposition de leurs corps à l’abri de l’air, à haute température et sous une pression formidable, a donné précisément du pétrole. Telle est l’explication que nos savants donnent de la genèse du précieux liquide.
Malheureusement, dans le Jura, les sédiments pétrolifères doivent être enfouis à de grandes profondeurs et leur recherche nécessitera des forages de grande envergure. Ainsi à Cuarny, on pense pénétrer jusqu’à 2500 m de profondeur.
Mais sait-on que (et voici où l’affaire commence à prendre une tournure des plus intéressantes pour nous), des recherches vont commencer sous peu dans notre Vallée même !
Beaucoup d’entre vous, chers lecteurs, ont remarqué à la surface des eaux dormantes de nos tourbières des reflets moirés et irisés, comme si de l’huile y avait été versée. Or, il y a bien des chances que ce soit des infiltrations de pétrole (en quantité infime, il est vrai), venues des profondeurs ! Tous les patineurs connaissent aussi ces bulles de gaz captives sous la glace et qui brûlent si gentiment lorsqu’on les crève et qu’on les allume ! Ce n’est pas autre chose que du méthane, gaz qui accompagne toujours en grande quantité les nappes de pétrole. Ainsi donc, certains de nos terrains sont pétrolifères, indubitablement, et en particulier les sols marécageux situés au « bout » du lac, les Vieux Cheseaux, puisqu’il faut les nommer!
Qui l’aurait cru? Une tour de forage s’y éleva sous peu. L’entreprise sera conduite par la même société que celle de Cuarny. Les plus grands espoirs sont permis.
Et maintenant, avez-vous bien réfléchi aux perspectives illimitées que nous offre pareille nouvelle ? Une des premières réalisations consécutives à cette découverte sera le percement de la chaîne du Mont-Tendre, pour y faire passer le «pipe-line». Le pipe-line est la canalisation qui conduit le pétrole des gisements à la raffinerie. Dans le cas particulier, cette dernière s’élèverait dans le voisinage d’un nœud ferroviaire important. Renens, probablement. Or, puisque le tunnel du pipe-line est chose décidée, pourquoi n’y pas faire passer une voie ferrée, une route ? Quelle amélioration de nos relations avec le centre du pays, la capitale !! Lausanne, à 15 minutes, Genève à 35 minutes avec la Flèche rouge « express » !
Mais hélas ! Il y aura toujours des mécontents !
Nous nous sommes laissé dire que le P.Br verrait de fort mauvais œil pareille emprise sur son champ de travail! Le Pont et Le Lieu ensemble, Le Séchey, un peu plus tard, ont déjà protesté en haut-lieu, menacés qu’ils sont de rentrer dans un« splendide isolement» ! L’Orient, par contre, qui a souffert cruellement en son temps des allures trop rectilignes du P.Br, est aux anges maintenant ! Cela se conçoit.
Au Brassus, naturellement, on n’est pas très content! Et l’on essaie, par des arguments puérils, de faire valoir des terrains soi-disant pétrolifères, parce qu’on y a trouvé des bois de cerf fossiles. Nous voulons parler de la sablière de Chez Tribillet ! Pour nous, nous ne voyons pas bien quel rapport… !
Parmi les mécontents, il faut encore citer l’Association des pêcheurs du lac de Joux, qui craignent fort pour l’intégrité de leur réserve. On dit que la naphte est toxique pour les poissons. Mais, il s’agit bien de quelques vengerons lorsque l’intérêt du pays est en jeu !
Il paraît enfin que, suivant l’avis d’un expert très compétent, le forage d’un puits dans le voisinage immédiat du lac n’irait pas sans certains dangers et entraînerait certaines perturbations dans le débit du lac. La Compagnie des forces de Joux s’est émue, a-t-on dit, mais il est évident, là encore, qu’elle n’aura qu’à s’incliner devant le fait accompli. Car chacun sait le rôle énorme que prend actuellement le pétrole dans l’économie mondiale. Chez nous, le problème de la crise serait résolu d’un coup. Et toutes sortes de problèmes qui sont autant d’épines dans la chair de nos édiles, trouveraient leur solution à la minute même. Le bien-être, mieux, la richesse, serait notre partage du jour au lendemain. Un seul point noir : les régions pétrolifères sont des casus belli ! Mais au train que vont les affaires de notre vieille Europe, il serait puéril de craindre une guerre dont le prétexte se trouvera le jour où on le voudra, avec ou sans le concours du pétrole! Pour, réjouissons-nous sans arrière-pensée des avantages que la nature nous donne et tâchons de les réaliser à la mesure de nos forces.
Dr. A. F.
Texte fourni par M. Rémy Rochat des Charbonnières et M. Daniel Aubert du Brassus.
Photo: M. Devaud, Le Solliat