Conférence sur le loup à Le Vaud jeudi 10 mars 2022
Le Parc naturel régional Jura vaudois, en collaboration avec le Canton de Vaud, a convié les intéressés sur la problématique du loup de se rencontrer, sur invitation, dans la magnifique salle des Cimes à Le Vaud.
C’est M. Clément Grandjean, rédacteur en chef adjoint du Journal Terre et Nature, qui a assuré le suivi de la soirée.
Après une brève introduction du Directeur du Parc, demandant la courtoisie de chacun dans un débat qui ne peut être que passionnel, c’est Mme la Conseillère d’Etat Béatrice Métraux qui s’est chargée d’exposer la problématique du retour de deux meutes de loups dans le Jura vaudois, l’une dans la région du Marchairuz, l’autre dans le Risoud.
Après les explications de Mme Métraux, mais sans chiffres réels de la situation, une table ronde, en trois volets, a été organisée où les intervenants ont tout d’abord développé leur thème sur l’impulsion de l’animateur puis, après chaque thème abordé, le public, nombreux à Le Vaud, en tout cas 300 personnes, a pu s’exprimer et poser des questions aux protagonistes.
Les débats ont été très animés. Beaucoup de questions pertinentes sont venues de la salle qui était composée, à mon avis, d’une moitié, par des gens de l’agriculture, éleveurs, bergers, amodiateurs et représentants des différentes associations liées au secteur primaire. Pour le reste, un bon 30%, étaient des pro-loups, farouches défenseurs de sa réintroduction et une partie de personnes plus modérées, intéressées, mais souvent très proches des mouvements écologistes grandissants. Le solde, un petit 20%, avec Madame et Monsieur tout le monde mais aussi un bon nombre de chasseurs vaudois de la région.
Il ne faut bien sûr pas oublier la presse qui a couvert dans une large mesure cette conférence débat (réf. 24 Heures du 12 mars)
Les enseignements que je tirerai de cette soirée sont les suivants.
Problématique de la cohabitation loups – bétail
Il s’agit de l’élément principal et primordial qui préoccupe aujourd’hui les éleveurs. A la grande question le loup peut-il, dans notre environnement du Parc, cohabiter avec l’élevage sur nos alpages et dans nos fermes?
Pour nos autorités du Département général de l’environnement (DGE), accompagnées par celui que l’on appelle le spécialiste du loup, le chevelu M. Jean-Marc Landry, tout est possible de le faire mais on ne saura jamais à quel prix.
Clôtures électrifiées sur plusieurs hauteurs de fils, effarouchement, voire très éventuellement des tirs de régulation, sont les propositions présentées.
Pour M. Landry la solution se trouve être «un juste milieu». Ce biologiste de renom oublie que sur une route il y a deux sens et deux côtés, la gauche et la droite. Si l’on roule au milieu de la chaussée l’on va inévitablement entrer en collision avec celui qui arrive en sens inverse, mais à sa place.
A la question de M. Charles-Louis Rochat, ancien Conseiller d’Etat en charge de la chasse et membre de la Diana de La Vallée, M. Landry refuse de reconnaître qu’il s’est trompé, à l’époque, où il assurait à qui voulait bien l’entendre, que les loups n’attaquaient jamais les bovins. Il essaye de se défendre en invoquant que c’est la race des loups de la région qui a évolué dans ce sens. Ce n’est qu’un mensonge de plus à tout ce qu’il dit.
Bravo à Kim Berney, agriculteur et éleveur aux Bioux, pour son intervention pleine de compassion. A la Conseillère d’Etat, il explique qu’il ne s’agit pas seulement d’indemniser au kilo de viande les pertes subies. Il y a aussi tout le reste qui va avec et qui n’est pas pris en compte. Surcroît de travail, stress permanent. Il dit tout avoir essayé de faire pour éviter les attaques du loup. Clôtures, mixer les troupeaux mais rien n’y fait, le canidé reste et restera toujours un féroce prédateur.
M. Duruz, berger dans la région du Marchairuz, voudrait que la profession de berger soit reconnue comme activité économique. Aujourd’hui plus personne ne veut s’engager à garder des troupeaux en présence du loup sauf peut-être quelques courageux venus des Pays de l’Est et habitués à cette situation de prédation.
Qu’il est beau le métier de berger, en pleine nature, c’est magnifique, dans un chalet bien chauffé. Comme dit la chanson «une belle journée à la montagne, parmi les vaches et les taureaux». Et bien non, aujourd’hui, avec le loup, c’est un cauchemar que vivent les bergers. Ce n’est pas non plus à eux de prendre en charge le surcroît de travail généré par la mise en place des mesures de protection.
Mais attention, des voix s’élèvent. Si la DGE reste toujours aussi inactive à leur égard, les bergers vont organiser la résistance et régler eux-mêmes les problèmes.
Quand M. Eric Erb, ardent défenseur depuis de nombreuses années avec son association ARRGP (Association régionale romande contre les grands prédateurs) prend la parole pour expliquer qu’un postulat autorisant les éleveurs d’utiliser d’autres moyens de protection que ceux imposés par AGRIDEA, vient d’être voté à 70% de majorité par le Grand Conseil valaisan, les cheveux se dressent sur la tête des pro-loups. Rien que d’entendre le mot Valais les font prendre de l’urticaire. A en croire que ce n’est pas un canton voisin du nôtre mais un pays barbare et lointain dictant ses propres lois.
Rencontré à l’issue de ce débat,
M. Erb m’annonce que, pour «rectifier le tir», une conférence publique et gratuite aura lieu le 24 avril prochain à la Cantine des Ages à Montricher, ceci en collaboration avec AGORA (Association des groupements romands de l’agriculture). C’est
M. Jean-Marc Moriceau, Président de l’Association d’histoire des Sociétés rurales en France qui a été invité sur le thème «l’homme et le loup, 2000 ans de conflit».
Pour le tir de régulation de deux loups subadultes, autorisé par Berne, l’on peut vraiment se poser des questions. Mme Métraux parle d’une mesure indispensable, mais à la DGE qui va s’occuper de tirer ces deux loups? Celui qui est le plus concerné, c’est le garde-faune M. Patrick Deleury, responsable de la circonscription 2, zone dans laquelle les deux meutes ont établi leur périmètre d’action. Pro-loup? Refus d’ordre? C’est bien sûr plus facile de tailler un chasseur avec une amende s’il n’a pas collé sa vignette de chasse sur sa voiture ou s’il n’a pas fermé correctement la housse de son fusil.
Mais au fait, le grand spécialiste «Monsieur loup» qui les suit jours et nuits et qui se dit d’accord avec cette régulation. Il les connaît bien, les deux qu’il faut éliminer. Alors, un peu de courage, M. Landry, pressez vous-même sur la gâchette et tant pis pour votre image de marque!
On prend les paris que les deux loups seront toujours vivants le 31 mars?
Si c’était M. Leuba qui était en charge de la chasse, il y a longtemps que ce serait fait.
Cohabitation loups et humains
Après nous avoir menti concernant les attaques de loup sur le bétail, on est en droit de se poser la question à quand une attaque de loups sur des humains et en particulier sur des enfants.
Un citoyen de Bassins évoque sa peur de voir ses enfants en bas âge croiser à plusieurs reprises le loup sur le chemin de l’école.
M. Philippe Mühlhauser, municipal à L’Isle, signale que les citoyens de sa commune s’inquiètent de voir le loup présent aux abords des villages, allant même jusqu’à s’introduire dans des stabulations libres. A la question que dois-je faire pour rassurer mes habitants, aucune réponse ne lui est fournie mais Mme la Conseillère va mettre en place un plan de protection. Le même municipal, qui est aussi moniteur en comportement canin, explique que le loup pourrait, tout comme le chien, mordre l’humain en particulier lors de courses de fuite.
Tout ceci fait bondir les pro-loups et en particulier le très désagréable M. Alain Prêtre qui certifie devant la nombreuse assistance que le loup n’attaque jamais l’homme. Mais au fait, celui-ci, pour qui se prend-il et quand, en aparté, on lui demande s’il est prêt d’indemniser financièrement une attaque de loup sur l’être humain, il dégage en touche, plus préoccupé par un sombre groupe appelé «chasseurs vaudois» qui se manifeste avec très peu d’intelligence sur les réseaux sociaux. Rien à voir avec la Fédération vaudoise des chasseurs.
Un autre citoyen, dont je n’ai pas retenu le nom, assure s’être promené dans le Parc national aux Grisons et dans les Abruzzes sans avoir été importuné par le loup. Ce Monsieur oublie qu’où il s’est baladé les sentiers sont balisés et que l’on n’a pas le droit d’en sortir. Ce n’est pas le cas, même dans le District franc fédéral du Noirmont l’on peut aller n’importe où, à pied, en raquettes, à ski et même avec des chiens rarement tenus en laisse.
Parc naturel régional Jura vaudois et loups
Etonnamment, c’est dans le périmètre du Parc que les meutes de loups ont été constituées, non pardon je me trompe, où les meutes de loups sont venues s’installer en villégiature depuis le Mercantour ou depuis les Apennins (loups certifiés AOC).
«Youa hou», c’est le cri qu’il ont poussé quand ils ont sauté de la caisse qui les amenait dans ce magnifique
5 étoiles avec 19 points au guide Canin. Des buffets magnifiquement garnis, all inclusive, à boire et à manger. Des promenades merveilleuses au clair de lune avec casse-croûte assuré.
Il faudrait que le Parc commence à réfléchir à son image quand il n’aura plus rien d’autre que des loups à présenter à ses visiteurs.
Le loup – ce que l’on ne voit jamais
Deux sujets n’ont pas été abordés dans le cadre de cette conférence débat. Le premier est d’ordre visuel, le deuxième est d’ordre financier.
Il y a quelques mois en arrière nous étions conviés par le cinéma La Bobine au Sentier pour venir voir le film de M. Bertrand (pas Plastic, l’autre) sur l’arrivée du loup dans nos régions. Des images magnifiques, des paysages somptueux, mais à aucun moment dans le film une vraie attaque de loup sur du gibier ou sur du bétail. A l’issue du film, dans le débat qui suivait, lorsque je me suis levé pour dire que ce film était tendancieux, je me suis fait copieusement sifflé par le 95% de la salle composé de pro-loups.
Pour les gens de la ville, pour les enfants, il est important de cacher les scènes d’horreur que sont les attaques de loups. Ce dernier doit rester la peluche, le gentil que l’on caresse sur la table de nuit.
Le loup reste aussi une histoire de famille. Les balades le dimanche après-midi pour aller voir les loups, moyennant finance d’entrée bien sûr, à Juraparc se font régulièrement.
Mais au fait pourquoi ne montrerait-on pas aux enfants des courses d’école, dans ce beau parc animalier, ce qu’est une vraie attaque de loups en lâchant, par exemple, une brebis dans leur enclos.
Pour les pro-loups, ce sujet est tabou.
Le loup – ce que l’on ne nous dit pas
A quelques jours des élections au Conseil d’Etat et au Grand Conseil, n’allez surtout pas demander à l’un ou l’autre de nos politiques ou futurs politiques, mais au fait, les meutes de loups du Parc, cela coûte combien aux citoyennes et citoyens du Canton de Vaud?
Sujet tabou aussi et quand on s’aventure de savoir qui paie et combien le grand spécialiste M. Landry. Alors là tout devient opaque et personne à la DGE ne sait rien.
Combien de protagonistes vivent aujourd’hui du loup? A la DGE tout d’abord, au KORA (écologie des carnivores et gestion de la faune sauvage) et dans les nombreux mandats indépendants attribués à des biologistes en tout genre. Quel beau métier tout de même, de se promener dans notre belle nature, avec des antennes réceptives pour voir et entendre si tout se passe bien.
Le loup et la faune
En temps que représentant de la Diana Vallée de Joux, c’était ma principale préoccupation de nous faire entendre à ce sujet à Le Vaud. Quand je me suis levé pour demander et même affirmer que les meutes de loups présentes allaient complètement éradiquer les chevreuils, les chamois, les cerfs et les sangliers de notre région, je me suis fait rasseoir par en tout cas deux mensonges de M. Frédéric Hofmann, responsable de la chasse dans le Canton de Vaud.
Premier mensonge: «les chasseurs vaudois n’ont jamais tiré autant de cerfs que l’année dernière».
Un exemple pour le Risoud. Le groupe au Yo (Georges Rochat) a tiré 3 cerfs sur les 10 attribués. Pour le groupe à Michel Magnenat 4 sur 10.
Ce que M. Hofmann a oublié de dire, c’est que ce sont les gardes-faune qui ont été finir l’abattage, de nuit, au phare et avec des armes qui ressemblent plus à des armes de guerre qu’à des armes de chasse.
C’est bien plus facile de tirer un cerf que de concrétiser le tir autorisé par Berne de deux loups.
Deuxième mensonge: il y a quelques années en arrière, avant l’arrivée du loup chez nous, les chasseurs de La Vallée s’inquiétaient déjà de la baisse des effectifs de chevreuils. A la question posée à M. Hofmann de savoir si l’arrivée massive de cerfs en était la cause, il nous affirmait alors que ce n’était pas le cas, avec de nombreux exemples de bonne cohabitation dans toute l’Europe.
Ce même M. Hofmann, déclare jeudi dernier à Le Vaud, que ce n’est pas à cause de la prédation des lynx et des loups que le chevreuil diminue dans notre contrée, mais que c’est dû à une trop forte présence du cerf et que la cohabitation n’est pas bonne.
C’est quand même fou ce que les biologistes ont l’art de retourner leur veste pour tout reprendre à leur compte. Ils ont la science infuse, détiennent la vérité et auront toujours raison.
M. Hofmann, je ne peux pas vous en vouloir. Vous feriez certainement un très bon responsable de la chasse vaudoise. Par contre, vous n’avez pas le droit à la parole, pas de pouvoir de décision car, en dessus de vous, le ciel n’est pas bleu, il est vert. Toute votre hiérarchie, surtout les Dames, en passant par Mme Métraux,
Mme Strehler Perrin, Mme Droz approuvent la réintroduction du loup.
Il n’y a effectivement plus beaucoup de chevreuils dans la région. Le futur député, M. Désiré Rusovsky, m’en a tout-de-même signalé deux dans les Sagnes au Sentier en se plaignant que ces derniers se nourrissaient dans son jardin.
Pour rappel, depuis plusieurs années, la chasse au chevreuil est pratiquement interdite dans tout le périmètre du Parc. Malgré cette décision, il n’y a pas un chevreuil de plus, bien au contraire. La DGE, vous avez dit «environnement» préfère envoyer les chasseurs de La Vallée, avec leurs gros
4 x 4, tirer des chevreuils à l’autre bout du Canton, à Oron ou à Moudon.
Pour le chamois, c’est un peu différent. Cette race intelligente, sous la pression de la prédation, a complètement modifié son habitat en se rapprochant des habitations. On peut en admirer de belles colonies à L’Orient tout près de l’Agapê, au Brassus vers le Planoz, au Pont derrière le village, à la Torne et à L’Aouille (Grand Hôtel) mais surtout une densité rare le long des Roches fendues, de Pégase à la Gloriette.
Au service de la faune on nous certifie une forte baisse de l’espèce mais on continue d’aller les compter où il y a belle lurette qu’il n’y en a plus comme par exemple sur les Hauts-du-Mollendruz, à Châtel, à Risel ou au Mont Tendre.
Le cerf n’a pas subi la prédation du lynx ou très peu. Par contre, il est le plat préféré du loup. Il sera très intéressant de voir, à court terme, comment les populations vont évoluer. Si c’est à la baisse, les forestiers vont être contents, en plus avec le prix des bois de service qui remonte.
Le sanglier n’est pas le plat favori du loup et il se défend très bien contre ses attaques. Mais quand il n’y aura plus rien d’autre à manger, il y passera aussi et cette fois au grand bonheur des propriétaires éleveurs à qui il occasionne de grands dégâts aux cultures et aux pâturages.
Mais M. Hofmann se veut très rassurant en disant que jamais un grand prédateur n’a causé la disparition de sa propre nourriture. Et s’il se trompait et que les loups se déplacent? Il semblerait qu’ils le font d’eux-mêmes pour conquérir d’autres territoires très riches en nourriture. Par exemple suivre leur chemin sur les crêtes du Jura vaudois, de Vallorbe au Creux-du-Van, puis le Jura neuchâtelois et ensuit Berne et le Canton du Jura. Au bout de ce périple dévastateur, une solution s’offre à nous, les mettre au zoo de Bâle.
Ce qu’il arrive aujourd’hui dans notre belle Vallée de Joux peut être comparé, ramené à l’échelle faunistique bien sûr à ce qui se passe en Ukraine à l’échelle humaine.
C’est pourquoi je propose aux pro-loups de changer le nom du chef de meute, celui que vous appelez Alpha, Gamma ou Bétha, peu importe, et de l’appeler désormais «Poutine».
En conclusion, j’aimerais reprendre les propos de M. Bruno Lecomte, éleveur de chèvres dans les Vosges, membre du collectif L113, qui nous dit: «avec le loup, il n’y a pas DE solution, il y a LA solution.
Bernard Muller,
ancien président de la Diana Vallée de Joux
et ancien chasseur dans le Canton de Vaud
Cf. réf. «les loups sont entrés dans… La Vallée»