Je me rends un samedi à Arras, dans le Pas-de-Calais, à un mois du premier tour de cette élection majeure. La ville a pour particularité d’avoir été totalement détruite lors de la première guerre mondiale et sa reconstruction, bien réussie, a permis de créer une très vaste place utilisée pour le marché hebdomadaire.
Les militants de quelques partis rencontrés aux quatre coins du marché
Du côté de EELV (Les Verts), on ne cache pas son soulagement car le candidat Yannick Jadot a «débranché» Sandrine Rousseau de son équipe. Cette professeure d’économie, du fait de ses opinons tranchées, ne manqua aucune occasion de le critiquer. Adepte de l’écoféminisme, théorie fumeuse, et des bienfaits de «l’intersectionnalité», concept encore plus nébuleux, Sandrine Rousseau fut un boulet pour son candidat. Un peu plus loin se trouvent les militants du parti présidentiel qui s’efforcent de masquer leur confiance. Emmanuel Macron a toujours été en tête des sondages et voit son aura renforcée en raison de la guerre en Ukraine. Face à Marine Le Pen qui s’est efforcée de se dédiaboliser, il devrait l’emporter au second tour, frustrant alors une bonne partie de l’électorat qui redoute ce match déjà vu en 2017. A moins que le candidat Mélenchon (extrême gauche) ne vienne à se hisser en deuxième position. Mais un second mandat d’Emmanuel Macron ne sera pas pavé de roses. Mettez dans la bouteille la hausse des prix à la consommation et surtout celle de l’énergie, ajoutez la nécessaire réforme des retraites promise à 65 ans et vous obtiendrez un cocktail de bien plus grande intensité que ne fut le mouvement de gilets jaunes. La France est par trop fracturée pour que Emmanuel Macron, le «président des riches», soit en mesure de mener à bien des réformes indispensables. Arrive une figure bien connue des LR, le parti de droite classique. La soixantaine, chef d’entreprise, gaulliste pur sucre, il peste contre sa candidate Valérie Pécresse qui est à la peine, condamnée à faire le grand écart entre la droite extrême incarnée par Eric Zemmour et le parti présidentiel. A l’autre bout du marché, deux militants du Parti socialiste distribuent des tracts. Leur candidate Anne Hidalgo est reléguée aux oubliettes et des figures de son parti ont filé chez Macron rêvant, sait-on jamais, d’un poste ministériel. Ce grand parti qui fut avec le gaullisme l’un des piliers de la Ve République n’a pas travaillé ces cinq dernières années. De surcroît, la maire de Paris est ressentie comme trop urbaine aux yeux de l’électorat populaire et de la ruralité. Prôner le manger bio et les bienfaits de la trottinette électrique à un électeur de l’Aveyron friand de charcuterie et obligé de surcroît de se déplacer en voiture n’est pas porteur.
Au parti communiste
C’est par hasard que je rencontre à la sortie d’un restaurant trois militants communistes qui m’invitent le lendemain pour un café. Eux ont la foi du charbonnier. Leur candidat Fabien Roussel vient lui aussi du Nord et titille la curiosité des commentateurs politiques par sa simplicité et son parler audible. On aborde le thème de la santé et de la difficulté de voir s’installer des médecins généralistes dans certains territoires. A Nice ou à Biarritz, villes prisées, leur nombre est bien supérieur à celui de villes défavorisées comme Lens. En conséquence, même pour de la bobologie, on se rend aux urgences des hôpitaux faute de mieux. Le gouvernement vient d’édicter une ordonnance fixant à 19 Euros la consultation aux urgences. Si cette mesure est indolore pour un cadre parisien, elle sera pénalisante pour une personne touchant une retraite de 800 Euros, ce qui n’est pas rare. Le Parti communiste en fait un thème de sa campagne. Le café fut bon, la discussion agréable même si une partie du programme communiste est pour le moins discutable. Est-il bien raisonnable de promettre une retraite à 60 ans avec en prime une baisse des horaires de travail à 32 heures dans un pays lourdement endetté? Mais j’ai de l’admiration pour ces militants qui passent leur temps libre à défendre leurs idées, contrairement à ceux du parti présidentiel qui ne sont que les faire-valoir d’Emmanuel Macron le temps d’une élection. Et, en prime, je fus gratifié d’un ouvrage richement illustré relatif à l’histoire du parti communiste dans le Pas-de-Calais.
Jean-Yves Grognuz,
le 15.03.2022