Où que l’on se trouve en Suisse, on apercevra des montagnes. Dans le Pas-de-Calais, ancien bassin minier, on verra des terrils, ces énormes cônes de déblais des anciennes mines de charbon. La dernière fut fermée en 1990 en raison de coûts d’exploitation trop élevés. Le Nord de la France, en raison de sa désindustrialisation, a subi une crise économique majeure dont elle peine encore à se remettre.
Visite de la mine-musée de Lewarde
Ce site a une valeur patrimoniale marquée. Le bureau de l’ingénieur, celui du comptable, la salle des pendus où les mineurs se changeaient, tout a été conservé, de même que l’outillage et les machines. Des galeries d’une mine ont été reconstituées mais à même le sol dans une approche chronologique. Le XIXe siècle tout d’abord où les mineurs, très peu équipés, devaient ramper pour atteindre les veines de charbon et où les berlines étaient poussées par des femmes et des enfants. C’est une reconstitution à l’identique du roman Germinal de Zola. Puis, second tableau, le début du XXe qui voit le début de la mécanisation avec les marteaux-piqueurs, les tapis roulants, ceci dans un bruit assourdissant dans des galeries peu éclairées. Enfin, dans les dernières années de l’exploitation, l’emploi de machines sur chenilles, arrachant le minerai pour produire encore plus et au meilleur coût avec de moins en moins de mineurs.
On ne devenait pas mineur par vocation mais par obligation
C’est par ces mots qu’un ancien mineur débuta son témoignage. Aîné d’une fratrie de quatre enfants, il fut contraint à 14 ans d’aider sa famille. Fils de mineur, petit-fils de mineur, il ne pouvait un seul instant imaginer un autre métier. Il s’est attaché à raconter sa première descente au fond de la mine, serré dans une cage descendant à 8 mètres/seconde. Avec ses camarades apprentis, ils effectuèrent la visite des galeries, l’estomac noué, s’accordant une pause à midi pour manger le « briquet », le sandwich préparé par sa mère. C’est après cette journée qu’ils pouvaient signer leur contrat. Impossible de reculer nous dit-il, j’aurais reçu un coup de pied au c. de mon paternel. En une journée, on passait brutalement de l’enfance au monde adulte. Ensuite il y eut la séance des douches collectives, ce qui l’avait particulièrement marqué. Rouge de honte, il dut se déshabiller pour la première fois avec à ses côtés son père et ses collègues. Le travail imposait de travailler par équipe. Le danger était partout ; il fallait prendre garde à ses collègues sachant qu’ils faisaient de même. Peu importait qu’ils fussent Français, Polonais ou Marocains. Une galerie mal étayée, c’était l’éboulement et les corps broyés. Et puis il y avait le plus redouté, le coup de grisou, ce gaz hautement inflammable qui se répandait en une fraction de seconde dans les galeries. En 1974 il provoqua la mort de
42 mineurs à Liévin. Dès que la sirène retentissait, c’était l’angoisse dans les corons. Vers quel puits se dirige l’ambulance se demandaient les mères et épouses ?
Ce mineur, la septantaine bien entamée, a conservé un sens de l’humour bien acéré. Il a dit ne rien regretter. Mais au fond de lui, n’avait-il pas rêvé d’un autre destin ?
Jean-Yves Grognuz,
le 7.04 2022