Ce premier mai, par le don d’une ressortissante de la famille Le Coultre de la région de Genève, un ouvrage d’une qualité rare complétera désormais les collections des archives du Patrimoine de la Vallée de Joux.
Précisons en introduction que tout historien, archiviste ou collectionneur combier qui se respecte, aura à cœur dans sa carrière de trouver l’ouvrage du Juge Nicole, achevé en 1785, édité en 1840. Il courra aussi après les Annales de l’abbaye du Lac-de-Joux de Gingins publiées en 1842. Ce sont là deux ouvrages de base. Il cherchera aussi à mettre la main sur les deux versions de l’historique de Lucien Reymond sur la Vallée de Joux, la première de 1864 et la seconde de 1887. De manière plus facile il se procurera le tiré-à-part proposé en 1891 par la SVUP, historique écrit par Hector Golay, La Vallée de Joux de 1860 à 1890.
Franchissons le siècle. Pour ce XXe, d’autant plus qu’il s’intéressera à l’histoire des familles combières, titillé qu’il aura été par le petit opuscule titré « Les familles de la Vallée de Joux », du même Hector Golay (1906), il tentera, vainement dans la plupart des cas, de mettre la main sur le fameux ouvrage de Charles A(drien) Roch, La Famille Le Coultre, pièce de choix publiée à Genève en 1919.
Or c’est ce même ouvrage qui tombe aujourd’hui dans les collections du Patrimoine! Mais attendez, pas n’importe quelle version d’une édition totale de 105 exemplaires. Non, l’un des 5 de l’édition privée tirée sur papier de luxe, le n° 4. Relié plein cuir, avec le titre en lettres d’or sur fond rouge sur le dos. En plus dédicacé à l’auteur même de l’ouvrage, M. Charles-Adrien Roch, par E.E. Le Coultre, l’un des sponsors du livre. L’ouvrage fait un total de 116 pages. Il est édité par la maison Sadag à Genève, spécialisée dans les ouvrages de bonne qualité.
Précieuse pièce qui renforcera manifestement la valeur des archives du Patrimoine déjà riches de centaines voire de milliers de documents et d’ouvrages divers.
Mais que contient l’ouvrage de Charles Adrien Roch?
En avant-propos une belle brochette de la famille Le Coultre, avec en particulier pour La Vallée Louis Le Coultre, de la famille de rasoirs Jacques Le Coultre & Cie, Elie Le Coultre, ancien directeur de la fabrique d’horlogerie Le Coultre & Cie au Sentier, reconnaissent qu’à la suite du 300e anniversaire de la réception comme bourgeois de la commune du Lieu de la famille relevée en 1912, il convenait tout de même de se pencher plus attentivement sur son histoire. On confie alors les recherches à Charles-Adrien Roch, sous-archiviste de l’Etat de Genève qui, après un travail de deux ans, propose un excellent historique de la tribu Le Coultre. Il paraîtra en 1919.
L’auteur, lors de ses recherches, part à zéro, si l’on peut dire, quand une certaine famille Le Coultre, quitte sa terre d’origine de la région de Lizy-sur-Ourcq, diocèse de Meaux, pour gagner Genève, où les premières traces de ces protestants français, que les circonstances nouvelles dans le domaine religieux obligent à s’éloigner de leur patrie, datent de 1558. Mais presque aussitôt l’un de ces ressortissants, Pierre Le Coultre I, gagnera La Vallée où la commune du Lieu, son territoire va alors jusqu’à la frontière franco-suisse du côté de Bois-d’Amont, par l’abergement de 15591, lui attribuera une énorme portion de la partie la plus éloignée de son territoire. Ceci est la preuve évidente que l’homme n’est pas le premier venu mais qu’au contraire il jouit d’un respect maximal de la part de nos Combiers en quelque sorte éblouis par ces ressortissants français d’une si belle envergure et d’une si noble origine.
On connaît l’histoire, cette portion était située en Praz Rodet. Climat trop difficile, autres raisons diverses, nos pionniers glisseront peu à peu du côté aval de La Vallée pour gagner entr’autres lieux la Fontaine du Planoz. On en retrouvera plus tard une branche à la Golisse et l’on devine ce qu’elle y adviendra.
L’auteur poursuivra ensuite son analyse quant au rôle de Pierre Le Coultre I, puis par celui de son fils Pierre Lecoultre II, que l’on verra intimement lié à la construction de la première église du Chenit dont la cloche sonna pour la première fois le jour de Noël 1612.
Pour établir son texte, Charles Roch avait pu consulter le manuscrit exceptionnel, propriété des archives de la commune du Chenit, où l’aventure de l’église est contée par le menu, avec les noms des souscripteurs. Il se donna la peine de transcrite entièrement cette écriture ancienne très difficile à lire par le profane.
On quittera ensuite l’histoire proprement dite des Le Coultre de la Vallée de Joux, pour s’attarder sur différentes branches de la famille tôt établies à l’extérieur, et en particulier en la ville de Genève, là même où Pierre Le Coultre I et consorts étaient arrivés.
Le livre comprend aussi de nombreuses photos d’une excellente qualité ainsi qu’un arbre généalogique concernant nos premiers Le Coultre. Cet historique n’est certes pas complet, loin de là, mais il donnait pour l’époque une excellente base pour permettre d’aller plus loin à qui le voulait dans la connaissance de l’histoire de cette famille. Tiré à seulement 105 exemplaires, on s’adressait en conséquence à l’élite de la tribu, considérant que beaucoup des membres des plus modestes n’allaient pas se procurer une édition de luxe et sans doute coûteuse.
Ces 105 exemplaires furent répartis dans toute la Suisse romande, et quelques-uns ont fini dans les brocantes ou ventes de livres d’occasion, où le connaisseur a pu, souvent par miracle, s’en procurer un exemplaire.
Patrimoine de la Vallée de Joux
1 Original aux Archives de la Ville de Morges, sous AED 9. Photographié par l’entreprise Jaeger-LeCoultre qui l’a fait figurer dans le bel ouvrage de Franco Cologni, Jaeger-LeCoultre, la Grande Maison, Flammarion, 2006, p. 55. De plus l’entreprise a fait transcrire et analyser de manière très pointue ce document exceptionnel, par des historiens de l’Université de Neuchâtel. Cet abergement de 1559 n’avait pas été connu de Charles-Adrien Roch, raison pour laquelle il n’est pas signalé dans l’historique.