Russie, Chine, Corée du Nord, Biélorussie, Azerbaïdjan, République démocratique du Congo, Turkménistan, Syrie, Yémen, Erythrée, Centrafrique, Venezuela, et quelques autres… Voilà des pays où la question ne se pose en tout cas pas en ces termes car, dans ces Etats particulièrement «sympathiques», ce n’est ni l’urne, ni la rue! Et si, là-bas, vous essayez de dire, d’écrire ou de montrer que vous n’êtes pas d’accord, vous comprendrez très vite que la vie de votre modeste personne ne compte guère… Vous voulez tout de même aller y vivre, eh bien tentez votre chance, mais vous êtes prévenu(e): bouche cousue, sinon…
En Suisse, et en Europe en général, on ne dira et n’écrira jamais assez la chance immense que nous avons de pouvoir vivre et nous exprimer librement! La démocratie, malgré d’inévitables imperfections, doit être sauvegardée à tout prix, c’est une évidence. Mais, quelle démocratie?
Depuis quelques années, les pouvoirs politiques (exécutif et législatif), pourtant élus tout à fait démocratiquement, sont de plus en plus contestés par de fortes et bruyantes oppositions mécontentes qui descendent dans la rue, des manifestations pouvant être violentes, aussi bien verbalement que physiquement. Est-ce vraiment là une nouvelle forme d’expression démocratique qui doit être reconnue et acceptée jusqu’à supplanter le système des élections et votations par scrutin individuel? Certains l’affirmeront en soutenant que le peuple a toujours raison et qu’il faut absolument aller vers une démocratie plus directe, plus représentative, plus rapide… On est tout de même en droit de s’interroger sur le bien-fondé d’une telle vision.
Certes la «manifestation de rue» peut avoir quelque chose de sympathique, de rassembleur et de populaire, dans le bon sens des termes. Et tant que la manifestation se montre dans un rôle de «lanceur d’alerte» ou de «révélateur» d’un important problème sociétal, il conviendrait même de l’accepter avec une certaine considération, pour autant qu’elle ne soit pas exagérée et demeure dans son rôle. En revanche, il faut aussi bien voir que, très souvent, dans un tel contexte, les citoyen(ne)s
y laissent une part d’eux-mêmes en acceptant bon gré mal gré d’être conduit(e)s voire manipulé(e)s,
consciemment ou pas, par des syndicats, des meneurs politiques, des beaux-parleurs, ou même des tribuns à la solde d’une idéologie anti-gouvernementale souvent primaire. Dans un tel cadre, l’effet de masse joue en plein, on s’entraîne mutuellement, et dans notre société contemporaine particulièrement revendicatrice et décomplexée souvent des débordements surgissent, la violence devient alors un corollaire presque inéluctable (il y a encore, heureusement, une grande différence entre la Suisse et la France). Ces débordements excessifs n’ajoutent évidemment rien au(x) débat(s), au contraire…
Non, la «manifestation de rue» ne peut être qu’un aiguillon stimulant et incitatif, parfois nécessaire, elle doit être vue et comprise comme tel mais ne peut et ne devrait en aucun cas remplacer le scrutin individuel qui, lui, se réalise dans un climat serein et réfléchi. En conséquence, et à l’évidence, le vote individuel (dans l’urne ou à la maison, par correspondance) doit avoir force de loi sur la «vox populi» dans la rue! Celles et ceux qui généralement ne votent pas devraient y réfléchir, la votation est impartialement le meilleur outil de l’expression démocratique.
Michel Hangartner
Vallorbe