Histoire d’ici
C’est en 1798 qu’est créée à Aubonne une loge maçonnique dénommée La Constance. Ses archives révèlent que bon nombre de francs-maçons combiers l’ont fréquentée. En 1901, par exemple, sur un effectif de 84 membres, 24 venaient de La Vallée.
Ces braves Combiers descendaient à pied à Aubonne, ce n’était pas toujours facile de passer le Marchairuz surtout en hiver, ce qui les incita à ouvrir un cercle maçonnique à La Vallée qui a existé de 1888 à 1959 qui dépendait directement de la loge d’Aubonne. Ses procès-verbaux sont très complets, riches de faits divers et d’anecdotes très intéressantes: à l’époque, ils sont écrits à la main dans des cahiers où l’on perçoit le personnage qui en est l’auteur; son style, sa calligraphie et même son humeur du moment; en ouvrant ces carnets, on sent presque encore l’odeur du tabac qui régnait dans le local.
Après la période dactylographiée, que restera-t-il des PV d’aujourd’hui pris sur ordinateur, impersonnels et sans âme et pourra-t-on les retrouver dans plus de 100 ans? Par bonheur, ces témoins du passé sont conservés à la loge d’Aubonne. Durant ses 71 ans d’existence, ce sont un peu plus de
60 francs-maçons qui l’ont animée et fait vivre.
Beaucoup de ces francs-maçons ont été des personnages qui ont marqué la Vallée de Joux. Préfets, députés, syndics, industriels, maîtres horlogers, professeurs, instituteurs, médecin, off. à l’armée, géomètre, juge de Paix.
On découvre un Elie LeCoultre qui avec son père a fondé la Jaeger-LeCoultre, Jules Audemars, fondateur de AP, au Brassus. Alfred Lugrin, fondateur de Lemania à L’Orient, Victorin Piguet, horloger de renom, Charles-Emile Piguet, horloger à L’Orient, Auguste LeCoultre fabricant de rasoirs, Jules-César Capt horloger de talent, Le Solliat, Emile Meylan, syndic et député, Edouard Aubert, syndic et député, Elie Rochat négociant, municipal, aux Charbonnières, Hippolyte Yersin, médecin, Léon Aubert, Charles Clerc, Emile Baud, Georges Piguet, préfet, Vincent Golay, préfet, Samuel Aubert, professeur, botaniste, Auguste Piguet, professeur, historien, pour ne citer qu’eux.
Ces francs-maçons ont œuvré pour le développement de La Vallée, par exemple, la réalisation du chemin de fer Vallorbe - Le Pont, l’étude est menée à bien, plusieurs francs-maçons et surtout Georges Piguet, préfet en ont été les moteurs. Une demande de concession est adressée à la Confédération en 1882. Les choses allèrent vite, elle leur fut accordée en 1883 déjà. Il faut dire que Louis Ruchonnet, grand radical vaudois et franc-maçon était conseiller fédéral. Comme quoi, les francs-maçons sont un peu les initiateurs du train à La Vallée.
On découvre aussi que le cercle maçonnique de La Vallée est l’initiateur de la table d’orientation au sommet de la Dent de Vaulion et a aussi aidé financièrement. En 1898, on a un devis de fr. 2’300.-, somme assez considérable car à l’époque, selon les PV, la cotisation annuelle des membres du Cercle est de fr .2.-, payable par semestre les 1er janvier et 1er juillet!
On y découvre aussi les sujets traités lors des séances; en voici quelques-uns parmi beaucoup d’autres.
Le renchérissement de la vie.
La dépopulation des campagnes.
Voltaire, sa vie, ses œuvres.
Les champignons.
Le rôle de la machine et de l’ouvrier.
Les déserteurs et réfractaires établis en Suisse.
On se rend compte en lisant entre les lignes que ces braves étaient aussi de bons vivants et de joyeux compères. Les après séances finissaient souvent devant un plat de friture de perchettes et une bonne chantée.
Contrastant à l’image méconnue qui se véhicule sur les francs-maçons, on ne peut être que fiers de ces citoyens qui à l’époque étaient les acteurs de ces lieux et leur dire merci pour le pays qu’ils nous ont laissé, pays où il fait bon vivre.
Qu’est-ce la Franc-Maçonnerie ?
C’est une alliance d’hommes libres. Un enseignement de conduite morale.
Une voie de formation à la vie.
Une fraternité.
Une éducation à l’amour du prochain et à la tolérance.
Le chemin d’une certaine philosophie de l’existence.
Un apprentissage moral par le biais de la symbolique.
Elle se sert de rituels et de cérémonies pour l’édification de ses membres.
Elle fait profession de foi en une présence supérieure.
Ce qu’elle n’est pas
Une association de beaux esprits.
Ni une religion, ni une secte, ni un ordre religieux.
Ni une société axée sur la réussite matérielle.
Elle ne contraint personne à partager des convictions quelconques, religieuses ou profanes.
Ni un tremplin pour accéder à des avantages matériels ou politiques.
Ni un forum où l’on discute religion ou politique.
Elle n’est pas une société secrète: elle ne fait mystère ni de son existence, ni de ses buts.
Elle n’est pas un club-service.
Bon anniversaire à la Constance et bon vent pour l’avenir.
Gil Berney, Les Bioux
PS: www.laconstance.ch
A l’occasion du 225e, porte ouverte le 23 septembre 2023 de 10h à 16h.