Sollicité pour un mot, me sont venues des envies de poésie…
Quel bonheur de vivre cette 25e Fête du Vacherin qui regorge de dates-clés, d’hôtes et d’invités d’exception. Dont Ramuz et son petit bijou « Passage du poète ». L’action se situe certes loin d’ici mais pas du sens de la fête ni de la vie avec ses hauts et ses bas, dans un maillage serré qu’on a plutôt bien su préserver à La Vallée avec notre lot de créateurs, d’originaux, de poètes.
Depuis les dernières pièces de mai plus convoitées qu’un trésor de flibustier, sous un soleil dardant du printemps à l’été finissant, hormis quelques froidures, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, l’interminable attente attisait les papilles et envahissait les songes. Passaient en boucle des images de croûte fine ondulant avec la grâce de mamelons enneigés teintés de rose au soleil couchant. Le craquement du pain, la pression délicate du pouce et, d’un geste précis du couteau, un bon morceau surtout pas net, bien coulant à rapatrier sur la mie avant de porter le tout à la bouche. À humer, à laisser sur la langue, à mâcher avec une lenteur de ruminant puis à avaler religieusement en tendant la main vers un verre dont l’heure -l’envie- dicterait la couleur. Car à force de le recouvrir de substances autres, même le pain ne faisait plus envie. Derrière les persiennes, la lamentation gonflait à l’infini : « Y’en a marre du pain ! » Un manque abyssal faisant dire même aux plus terriens des agrariens : « Y’en a marre du pain ! »
Ces trois-là demeurent
Mais voici qu’aujourd’hui tout change, c’est le printemps de l’automne. Oublié l’interminable été, dépassé le pourtant récent Jeûne fédéral. Ne reste que l’adjectif -fédéral- précédé d’un nom de conseiller. Tout cela mérite bien une fête et un invité de marque qui sache nous faire passer de « Y’en a marre du pain ! » à « Y’a Par-melin ! ». La présence de notre conseiller fédéral ainsi que de notre très chère marraine Erika sont un cadeau. Ils repartiront en fin de journée, nous dans une année mais l’essentiel demeure. Pardonnez le pasteur mais pour ce jour, vous savez : « Ces trois choses demeurent : le pain, le vin et le vacherin mais la plus grande des trois, c’est la Fête du Vacherin ! ». Et pour toujours l’irremplaçable parole biblique, les trois choses qui demeurent sont « La foi, l’espérance et l’amour, et la plus grande des trois c’est l’amour ».
La foi qui fait se lever fromagères et fromagers de la conception à l’affinage ; l’espérance, imaginer dans les caves sombres et voûtées, les délices que nous allons déguster et l’amour, désirer les partager. La foi fut d’abord celle de Dieu, croyant en nous comme le soleil en les tournesols, espérant nous voir osciller vers Lui et nous aimant jusqu’à nous donner Jésus, son Fils, son unique. La foi fut ensuite celle d’hommes et de femmes sillonnant le monde jusqu’en ce temple, espérant la conversion des cœurs et tentant d’aimer à la suite de leur Seigneur. Ces trois-là demeurent.
Au milieu des flonflons de la fête à la Ramuz, dans le village inondé de couleurs et de rires, avec sa hotte aux longues tiges d’osier, le poète disparaît sans bruit entre les arpents, alors que l’astre céleste cède la place aux lampions terrestres. Il aura marqué les existences de son passage comme cet autre poète, créateur, original venu en notre humanité partager l’Amour divin jusqu’à se sacrifier. Alors, au moment de célébrer le produit fêté, dans notre village transfiguré, sachons remercier celles et ceux qui nous l’offrent et, comme le dirait le concierge de ma précédente paroisse, remercier « Qui tu sais » ; tellement vaudois. Je crois que vous aussi, le savez. Que la fête soit belle !
Antoine Schluchter