Il écrivait des romans policiers et des nouvelles diverses, il nous offre aujourd’hui ses souvenirs où il révèle à nouveau sa maîtrise parfaite de notre belle langue française. C’est un plaisir que de le lire.
Et pourtant Dieu sait que notre auteur n’était pas en cette enfance toute passée à L’Orient-de-l’Orbe, un écolier vraiment exemplaire. On pourrait presque parler de l’inverse. Ainsi institutrices et instituteur le voient défiler avec dubitation, en particulier Roger Bornet, homme de culture - il aimait Rousseau -, un rien précieux, musicologue averti que notre auteur remerciera 17 ans plus tard dans la FAVJ pour l’avoir supporté durant trois ans. Cette lettre émouvante, reproduite dans l’ouvrage, évoquera ses dernières années scolaires quelque peu chaotiques et témoignera de son affection toute tardive envers son vieux régent arrivé à l’âge de la retraite.
Une école que l’on subit pendant neuf ans mais qui vous aura appris en contrepartie à lire, à écrire et à calculer, cela lui sera de quelque utilité par la suite !, et sans doute à comprendre le devoir que l’on a de continuer toujours à se cultiver et à progresser. Le poids du milieu scolaire est si pourtant, qu’il occupe une part importante de ces riches et épiques souvenirs.
Ces réminiscences fort sympathiques portent aussi sur ce que peut connaître un enfant puis adolescent de la fin des années quarante et du début de la décennie suivante. Quand, en fait de bandes dessinées, on lit des Bibi Fricotin, des Pieds nickelés, et des Tintin. Il s’agit alors d’une littérature que le monde adulte éreinte et juge durement, capable peut-être de conduire les demeurés qui s’en nourrissent jusqu’au crime, allez savoir !
Pour un village tel que L’Orient, on ne saurait échapper à l’emprise de l’usine principale, la Lemania. Qui n’y travaille pas ? Même son père fait partie du personnel, simple horloger sans ambition particulière, si ce n’est d’avoir ce grand rêve d’échapper un jour à cette emprise industrielle en ayant son propre petit domaine et ses quelques vaches. Hélas, il semble qu’à 65 ans il ne sera plus temps pour se lancer dans l’aventure avec succès.
HDG connaît aussi les joies d’une enfance ordinaire. On court par le village avec les copains, on joue à la cache, aux gendarmes et aux voleurs. On s’en va à la lisière des bois, ou au bord de l’Orbe qui n’est souvent qu’à deux pas. On trouve donc son bonheur et son évasion dans cet environnement préservé.
Mais c’en est l’époque, le sport est à la mode. HDG s’essaie au foot. Il ne s’en détachera que peu convaincu, lui le dernier que l’on choisit lors d’un match et ne sachant jamais trop que faire du ballon si par malheur il vous arrive dessus ! Pour le ski, ce sera déjà mieux, libéré d’une équipe pesante bien qu’avec des exploits qui ne figureront jamais dans les tabelles du SCOS où bientôt brilleront des cracks d’une tout autre envergure. Mais tout cela, c’est de la rigolade, parce que lui, passionné par les coureurs cyclistes de l’époque dont il entend les épopées légendaires à la radio, les Kübler, les Koblet et toute la saga italienne, il les imitera. A cet effet il achète un vélo et commence les entraînements avec un programme bien déterminé, où le point d’orgue sera sa victoire au Tour de France 1967. Mais voilà, si vous ressortez vos tabelles, vous y découvrirez que le vainqueur de cette année-là fut Roger Pingeon et pas trace de HDG, ni à la tête ni à la queue !
Notre champion reconnaît ses égarements sportifs le sourire aux lèvres. C’était quand même pour la première fois du sérieux. Il s’entraînait comme un forcené. On le vit passer dix fois, vingt fois pour un tour de La Vallée, avec les encouragements d’une vieille dame alors qu’il traversait les Charbonnières à fond les pédales! Il donnait tant de lui-même qu’il alerta la sœur visitante de l’époque, Mlle Germaine Golay, qui affirma à ses parents qu’à ce régime-là il allait tant se faire grossir le cœur qu’il en résulterait une situation fâcheuse pour sa santé. Non, ne vous inquiétez pas, HDG se porte toujours bien quelque septante ans plus tard!
Garçon avec ses problèmes, ses interrogations sur le monde, ses difficultés scolaires, mais aussi doté d’une belle sensibilité qu’il montre dans son attachement à son père, horloger rêveur, à sa mère bien entendu, qui s’interroge sans doute avec quelque inquiétude sur le devenir de son « rejeton », et tout autant à ses grands-parents, Adrien et Adrienne Capt, personnages simples mais cultivés avec lesquels il découvrira l’immensité du monde. Figures vraiment attachantes qu’il fait revivre avec une grande sensibilité.
HDG ne savait vraiment pas trop que faire au sortir de l’école. Après quelques années on le voit rentrer, presque à reculons, dans l’un des bureaux des Retraites Populaires à Lausanne. Cela lui fait un peu peur. Il se donne une année, et puis au revoir et merci, on ira voir ailleurs. Il fera une carrière de près de 40 ans dans cette célèbre institution !
Bureaucrate donc, appliqué et sérieux. Mais avec cette sagesse de consacrer aussi sa plume, affinée depuis lors, à l’écriture, avec à la clé la production de romans, policiers pour l’essentiel, qu’il éditera sous son propre label : Editions
H. Dégé. Plaisir d’écrire, ténacité, imagination, évasion, il se dotera d’une œuvre d’une bonne douzaine d’ouvrages. Après un petit coup de mou, il faut vraiment s’arracher les tripes pour mettre sur pied des récits qui soient capables de passionner des lecteurs, ce monde-là est exigeant voire impitoyable, il renoue avec l’écriture pour nous raconter avec une émotion sincère, ses souvenirs d’enfance. Alors qu’à L’Orient, il y avait cette Lémania omniprésente et que tout tournait autour, créant en ce village cette ambiance si particulière qui transparaît de manière presque palpable dans cet ouvrage que l’on pourra aussi considérer sur le plan ethnographique.
Ces quelques pages sont illustrées par Claude Karlen qui a su mettre en évidence certains des épisodes parmi les plus étonnants de la vie de l’auteur.
Ces évocations retiendront les Combiers qui trouveront
Henri-Daniel Golay, personnalité authentique de notre haut vallon, à la Grange aux livres où il leur dédicacera P’tits bouts d’enfance et leur offrira le verre de l’amitié.
Ceci le samedi 14 octobre 2023, de 9h à 12h30.
Ce sera assurément une belle matinée.
Rémy Rochat