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Petit à petit, La Vallée s’enlaidit. A force d’originalité, on tue l’originalité, on brise l’homogénéité, on divague dans l’absurde. A l’image de l’immobilier qui part dans tous les sens et de nos giratoires surmontés d’objets désolants. Celui du Crêt-Blanc, dans la simplicité de sa silhouette de voile, sort heureusement du lot. Mais le gnomon phalloïde penché de l’Essor, au Sentier, frise l’atteinte à l’environnement. Quant au dernier-né de ces anneaux routiers, celui de la gare du Brassus, il entre de plain-pied dans la catégorie mauvais goût en ce qui concerne l’aménagement de l’esplanade «intra muros». Dans un environnement dédié aux technologies de pointe, à la recherche, d’accord. Mais pour une entrée de village (déjà pas gâtée par l’architecture de sa gare), avec des petits locatifs, des villas, ça se discute, ça choque.
Pourtant, ça commençait bien. Le muretier ajustait «horlogèrement» les pierres jusqu’à constituer un cercle parfait. Ainsi, de couche en couche, la construction prenait forme, s’érigeait pour finalement éclore en chef d’oeuvre symbolisant un pan de notre patrimoine: un mur en pierres sèches. Tels ceux qui parcourent nos pâturages, imprègnent nos monts, nos vals de leur architecture rustique et massive cependant gracieuse et complexe, soulignent les courbes des terres jurassiennes, expriment dans leur édification rigoureuse une nécessité (clôture) devenue art. Ils sont beaux, tout simplement, à l’instar de celui élevé au giratoire à l’entrée du Brassus.
Cet îlot, ainsi ceinturé, semblait offrir une jolie surface promise aux plus beaux ornements, alliant finesse, harmonie, élégance, subtilité et séduction. Autrement dit une décoration, une mise en scène esthétiques. Tradition et innovation, bien qu’antonymes, peuvent parfaitement s’associer, bien sûr. Pour autant qu’on y adjoigne les ingrédients qui lient l’une à l’autre. Et là, un beau mur rustique planté d’une pouette fleur hi-tech. Sans autre habillage qui cependant adoucirait la rupture brutale entre tradition et innovation. Certes, la beauté est une perception individuelle, une appréciation subjective. Beau, pas beau. Or la fleur du Brassus, elle est quoi? Objectivement pas belle, autant que subjectivement. Non, mais, vous avez vu ce machin!? Qui s’ouvre en éventail tout seul aux premières lueurs, suit Hélios au flair tous pétales déployés et referme sa corolle dès que l’astre du jour se fait la belle. Tout ça grâce à des panneaux bourrés de cellules photovoltaïques qui convertissent la lumière en électricité alimentant tous les bidules qui coordonnent cette machinerie, et distribuent le reste du courant dans le réseau. Bien, mais la disgrâce de ce truc hi-tech est si pesante qu’elle en écrase son piédestal, le mur en pierres sèches qu’on ne voit même plus.
Technologiquement, c’est certainement une «belle» réalisation. Mais visuellement, ça vous en fiche un coup dans l’oeil. Une fois ouverte, on dirait une énorme parabole TV (heureusement quasiment toutes éradiquées à La Vallée), et une fois fermée ça ne ressemble à rien. Une espèce de socle en «pattes d’éph» chapeauté d’un «pistil» mécanique dont les pétales fanés pendouillent comme d’énormes spatules noires. Et la nuit, ce n’est pas mieux. Quand, dans la lumière des phares surgit cette «chose» informe, on se pose des questions: un morceau de satellite qui a chuté, du matériel de chantier oublié ou encore un nouveau panneau de signalisation nocturne en test?
A moins que, tout bonnement, l’aménagement et la déco de cette esplanade ne soient pas terminés. Un parterre de fleurs et autres verdures, ça serait joli…
Jean-François Aubert