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Astroval fête les 30 ans d’Hubble avec Claude Nicollier

L’astronaute suisse raconte «ses missions de rêve»

Elle aurait dû se produire au printemps dernier, mais situation sanitaire oblige, le fête a été repoussée au vendredi 21 août dernier. Qui de mieux que l’astronaute Claude Nicollier qui a touché des mains le télescope spatial deux fois pour célébrer l’événement et nous en parler?

Hubble Space Telescope

Il était attendu de pied ferme par de nombreux astronomes amateurs, qui ont mis moins de deux jours pour s’arracher les billets de l’événement, affichant complet rapidement. L’astronaute et astrophysicien Claude Nicollier est le premier Suisse dans l’espace. Il a effectué quatre missions à bord de différentes navettes, dont deux ont été consacrées à la réparation et à la maintenance du télescope spatial Hubble. Lors de la première mission, il était chargé du pilotage du bras télémanipulateur de la navette et à ce titre a effectué la première capture en orbite du télescope spatial.

Perché à 600 km d’altitude, le télescope spatial Hubble a été lancé le 24 avril 1990. Très rapidement, une aberration optique particulièrement grave est découverte et des missions de maintenance sont mises en place. La première de ces missions, celle dont fait partie notre astronaute, en 1993, est mise à profit pour corriger l’anomalie de sa partie optique. Quatre autres missions, en 1997, 1999, 2002 et 2009, permettent de moderniser les cinq instruments scientifiques et remplacer certains équipements défaillants ou devenus obsolètes. Claude Nicollier fera également partie de la troisième mission, celle de 1999. La dernière mission de maintenance, réalisée en 2009, immédiatement avant le retrait définitif des navettes spatiales, doit permettre au télescope Hubble de fonctionner quelques années de plus. Pour les observations dans l’infrarouge, il doit être remplacé en 2021 par le télescope spatial James-Webb, aux capacités

supérieures et protégé de la luminosité de la terre, du soleil et de la lune par de grands voiles. Mais pas de réparation possible pour ce dernier, il sera à 1.5 million de kilomètres de la terre, au point Lagrange L2, inaccessible.

La tête dans les étoiles

Et ce sont précisément de ces aventures spatiales auprès d’Hubble dont Claude Nicollier est venu nous parler. Des étoiles plein les yeux, l’astronaute raconte avec un entrain communicatif «ses missions de rêve», de la première fois en décembre 1993, après 48 heures de voyage, il a pu «toucher» le télescope: «c’est quelque chose d’extraordinaire, la première approche est quelque chose de très spécial» dit-il. «J’aime partager ma passion pour l’astronomie, je suis ici pour montrer ce que c’est de travailler sur Hubble, à 600 km d’altitude et à 28’000 km/h. Quand nous avons reçu les premières images nettes en janvier 1994, quel bonheur! Notre mission de correction d’optique le mois précédent avait été parfaitement réussie! De toute façon, l’échec n’était pas une option pour la NASA, nous étions tous très bien entraînés, parés à toute éventualité, nous n’avions pas d’autre choix que de réussir!» Une conférence bourrée d’anecdotes qui a passionné le public.

L’espace fait rêver

Le comité d’Astroval a profité de la présence de l’astronaute pour révéler au public la toute dernière image d’Hubble que la NASA a sortie pour ses 30 ans. Il n’y en a que deux disponibles en Suisse: à l’EPFL et à Astroval! Nous avons eu la chance de pouvoir admirer le nuage de Magellan en exclusivité, l’image est bien entendu visible au club d’astronomie combier. Lors de la conférence, Claude Nicollier a même révélé au public une image de la navette en 2005 qui survole la Vallée de Joux à 400km d’altitude, photo prise depuis la Station Spatiale Internationale. «Vous ne pouvez pas savoir comme j’étais heureux malgré de grosses responsabilités» confie l’astronaute. «Au départ de ma dernière mission, le 25 décembre 1999, au moment de rentrer sur terre, j’avais la larme à l’œil. C’est comme si je quittais un ami sur le quai de la gare, un ami que je ne reverrais plus. Si je le pouvais, j’y retourne- rais sans hésiter.»

La terre est bien ronde

N’en déplaise aux «Flat-earthers» (théoriciens de la terre plate), la terre n’est pas plate, ça, l’astronome le confirme. «Pour y être allé 4 fois (dans l’espace) je peux vous dire que la Terre est bien ronde. Avec 16 couchers/ levers de soleil par jour, soit toutes les heures et demie, les survols réguliers des mêmes régions terriennes à cause de notre orbite située à 28° par rapport à l’équateur, je vous garantis la rondeur de la planète!» dira-t-il en rigolant. Et d’ajouter «j’avais les yeux et l’esprit bien ouverts mais je n’ai jamais croisé d’extra-terrestres» pour répondre à une question du public. Celui-ci a montré son vif intérêt en lui posant mille et une questions après son exposé, l’astronaute se déplaçait et répondait avec enthousiasme.

Une conférence passionnante, qu’on aurait bien voulu voir prolongée de quelques heures. Gageons que l’astronaute reviendra bien volontiers en terre combière, pour nous faire partager sa passion palpable pour l’espace. Merci à Astroval de nous avoir donné la possibilité de toucher (par procuration) les étoiles!

Entretien avec Maxime Spano, responsable d’exploitation d’Astroval

J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de croiser Claude par le passé, notamment pendant ma thèse à l’observatoire de Genève ou lors de manifestations astronomiques. Le monde de l’astronomie en Suisse est petit et on finit par connaître tout le monde. Pour les 30 ans d’Hubble, il était évident d’inviter un astronaute qui avait participé de façon majeure à l’amélioration des performances du télescope spatial, ça s’est fait donc naturellement, puisqu’en plus, c’est presque un voisin de l’observatoire.

Après la conférence, une vingtaine de personnes sont restées pour observer jusqu’à minuit (avec un tournus dans la coupole pour ne pas être trop nombreux à la fois). On a pu observer Jupiter, Saturne et des objets de saison comme le grand amas d’Hercule.

J’ai tout autant apprécié cette soirée que le public je pense et je n’ai pas vu le temps passer! Claude a une vision un peu différente de l’espace par rap- port aux autres astronautes car il a aussi étudié l’astrophysique (les astronautes ont tous des formations pluridisciplinaires mais viennent souvent du monde des ingénieurs plutôt que celui de la recherche). Ça lui donne une perception de l’Univers plus proche des astronomes que nous sommes je pense. C’est un excellent conférencier et vulgarisateur, et à l’écouter j’avais envie de monter dans une fusée et de partir avec lui voir un peu de ce qu’il se passe là-haut!