L’AVJ organisait le week-end dernier un voyage à la Fête des Vignerons de Vevey. «Grandiose», «magnifique», «époustouflant» – la plupart des spectateurs, Combiers ou non, rivalisent de superlatifs pour qualifier cet immense raout (vingt mille places dans l’arène, cinq mille figurants), où la quantité ne servait pas de prétexte à un manque de qualité, bien au contraire, tout le travail du metteur en scène Daniel Finzi Pasca, un génie en son domaine. Reviennent dans les propos des spectateurs de cette douzième édition: la qualité des tableaux qui se succédaient pour raconter une année des vendanges jusqu’à de nouvelles vendanges, le Ranz des vaches (mythique «Lyobâ») ou la foire d’empoigne dans les rues de Vevey où tout le monde semble heureux. Les impressions de quatre d’entre eux.

L’évolution technologique
Cette Fête des Vignerons me tient à cœur. Ma mère était originaire de Montreux, elle a été figurante à la Fête de 1955. Et depuis, j’ai assisté aux autres. En 1977, j’avais dix ans. Je me souviens encore de Bernard Romanens interprétant seul le Ranz des Vaches. C’est un moment que tout le public attendait. L’interprétation de cette année à trois voix, avec chœurs et solistes, a duré six minutes. J’ai vu des larmes d’émotion sur tous les visages autour de moi.
Entre 1977 et 2019, il y a quarante ans et une avancée technologique monstre, qui nous a vu passer de la machine à écrire à internet… L’on a ainsi le plus grand plateau LED jamais conçu, qui dessine des centaines de tableaux sous les pieds et les pattes des animaux, vert pour les armaillis et de plus en plus rouge et jaune alors que la nuit tombe; cet écran géant permet aux figurants de se repérer et de trouver leur place exacte sur la scène. Autre évolution, des endroits de la scène qui se baissent, des escaliers qui montent et voilà une ouverture pour que montent des figurants.
J’ai invité mon fils à venir le revoir avec moi. J’ai assisté à la représentation en journée, c’était déjà fantastique, mais je pense que de nuit, ce sera encore plus grandiose.
David Piguet, Le Brassus
Des costumes soignés jusque dans les détails
Quel travail, quel travail de titan, quel monde fou sur scène! Pour nous autres spectateurs, il n’y avait pas assez d’yeux pour tout voir! J’ai savouré la musique et la prestation des quatre chœurs. J’avais acheté le livre des poèmes, un très bon repère pour les spectateurs car malgré l’excellente sonorisation, on ne comprend pas toujours les paroles. J’étais très bien située, en haut des arènes, en face de l’entrée des figurants. Nous avons été chaleureusement accueillis par les placeurs, des figurants en costume d’étourneaux, ces oiseaux si nuisibles à la vigne. Un autre élément qui m’a séduite: les costumes aux couleurs magnifiques. Lorsque nous sommes sortis de l’arène, assez rapidement et dans l’ordre du reste, j’ai pu vérifier en ville, avec quelques figurants que nous avons recroisés dans leur costume, à quel point ceux-ci étaient soignés jusque dans les détails! J’ai encore plus apprécié la somme de recherche et de travail qui a été investie dans ces costumes. Oui, c’est un spectacle coûteux, mais je ne regrette pas d’avoir mis le prix.
Geneviève Herrmann, Les Bioux
Un choriste: oui, cela valait la peine
J’ai assisté aux deux précédentes fêtes et je me suis dit: «Je serai une fois figurant». Comme je suis en pré-
retraite, cela entrait dans le domaine du possible… quoique j’aie dû complètement me réorganiser. J’ai par exemple pris une chambre à Vevey pour y dormir. C’est nécessaire quand on finit le soir à presque minuit, comme samedi dernier et qu’il faut être sur place à neuf heures le lendemain pour la représentation de onze heures.
Je me suis engagé comme choriste pour cette édition, au sein d’un immense chœur de 570 personnes. Une fois les chants appris par chœur, on est passé au travail de chorégraphie, un peu rébarbatif pour nous autres habitués à produire de la musique. Quand on chante devant un tel public, le sens du détail n’est plus le même; c’est le geste d’ensemble et la cohérence avec tout le spectacle qui compte. Cela aura été une grosse année de travail et un total de 80 répétitions! Mais on y est arrivés. Est-ce que tout cela vaut la peine? Certainement.
On ne célèbre pas le vin, du reste, à ce jour, je n’ai vu aucun débordement dû à des beuveries… Discrètement, des gens sont là en prévention, à l’affût des débordements et distribuant de l’eau en bouteille. On ne célèbre pas le vin, mais toute la culture qui va autour: la vigne et ses ouvriers, la terre -à ce titre, l’hymne à la terre est magnifique- et la nature, dans le cadre du cycle annuel de la vie. Avec le groupe des criquets, abeilles et autres sauterelles, on monte aussi une prise de conscience écologique.
Georges Desponds, propriétaire à L’Abbaye
Retour à la tradition payant
En 1999, on a voulu faire moderne à tout prix, chasser un peu toutes ces «vieilleries» que l’on traînait depuis des siècles, un peu comme Expo’02 qui tenta par tous les moyens de faire comme si nous n’étions même plus en Suisse! La dernière fête ainsi semble ne pas avoir laissé des souvenirs mirifiques parmi les spectateurs.
L’un des plus beaux moments de la Fête des Vignerons de 2019: le grand troupeau, vache par vache, et en nombre impressionnant, débouche de l’entrée principale, et occupe peu à peu tout le tour de l’écran, chaque bête avec son accompagnateur, aucune ne se décidant à faire la folle pour déranger le spectacle. Tout comme sur des roulettes, tandis que bientôt arrivent le traditionnel char bleu gruérien d’une part, où les fromages -factices- reposent dans de la paille et de l’autre, simple char à échelles, contenant tous les objets nécessaires à la fabrication du fromage, là-haut, dans le chalet d’alpage. Il y a là la grosse chaudière, plus vraie que nature, l’ogi (oiseau), les seillons à traire, la grosse malle à habits, les matelas roulés et entourés d’une corde. Les Gruériens, qui sont ici comme chez eux, savent ce qu’il faut faire pour offrir du spectacle et de l’émotion.
Le final est vraiment exceptionnel. Il faudrait avoir vu la Fête des Vignerons 2019 rien que pour celui-ci. Quelle ambiance: 25’000 personnes dans l’arène à taper des mains en rythme sur un air de samba. Une fête de 2019 qui pourrait presque faire oublier celle de 1955!
Rémy Rochat, Les Charbonnières
