C’est toujours édifiant de voir comment Jésus utilise des situations banales pour nous donner un enseignement. Dans ce passage de l’Evangile de Luc, il observe simplement comment les invités au repas essayent de s’installer aux meilleures places. Jésus saisit cette occasion pour remettre chacun à sa place, c’est le cas de le dire.
Chacun sa place. Ce n’est pas un principe arbitraire, une lubie d’un maniaque de l’ordre. Jésus nous dit que c’est un moyen de vivre heureux: «ce sera pour toi un honneur»;
«heureux seras-tu!».
Dans une équipe de rugby, chacun joue à sa place. La place de chaque joueur n’est pas interchangeable. Chaque joueur a une place qui est la sienne. Surtout les avants, avec la mêlée qui nécessite une structure bien définie. Et pourtant, il n’y a pas de place privilégiée. Pas de «meilleure place». Le pilier ne jalouse pas le talonneur, le demi d’ouverture ne convoite pas la place du trois quart centre. Chacun d’eux sait qu’il est à sa place, et que c’est en gardant cette place, en jouant son propre rôle, qui est spécifique et qui n’est pas celui d’un autre, que la victoire peut se construire.
Si beaucoup de chrétiens retrouvent dans ce sport des «valeurs» qui correspondent à leur foi, ce n’est pas sans raison.
Dans la «vraie vie», c’est pareil. Chaque personne est appelée à jouer un rôle qui lui est propre, à la place qui lui est préparée. Encore doit-il faire le minimum d’effort pour découvrir quelle est sa place. C’est ce qu’on appelle «trouver sa vocation», c’est-à-dire répondre à l’appel de Dieu, qui a préparé lui-même une place pour chacun, en vue de son plus grand épanouissement, de son plus grand bonheur. Le coach sait ce qu’il fait.
Répondre à cet appel, ça suppose d’accepter cette place spécialement préparée pour nous, comme un don, un cadeau, et non comme un dû. Pour cela, le rugbyman de cent vingt-cinq kilos pour un mètre soixante-douze doit accepter d’être pilier et non demi de mêlée. Il doit comprendre qu’il s’épanouira davantage à cette place qu’à une autre. C’est une démarche d’humilité, qui peut être difficile.
Or, cette démarche n’est pas vraiment valorisée dans notre monde actuel: on croit généralement qu’on est plus libre si on choisit soi-même sa place. Recevoir, accepter, peut sembler une attitude passive, tandis que revendiquer, se battre pour gagner sa place, est beaucoup mieux considéré. L’orgueil a meilleure presse que l’humilité.
Abbé Robert Akoury,
curé des paroisses catholiques
de la Vallée de Joux et de Vallorbe