Pas moyen de se tromper ! Je suis bien arrivé au stade Bollaert où sont arrivés bien à l’avance une foule de supporters qui assiègent les baraques à frites. L’ambiance est bon enfant, très familiale, avec des enfants de six ans fiers de porter les couleurs de leur équipe.
Porte 3,2, rang 24, place 46
J’avais réservé une place dans cette tribune afin de me trouver face à celle où se regroupent les plus « ultras ». Et j’ai de la chance. Devant moi se trouve Bébert, fils de mineur, que tout le monde salue d’un signe de la main. C’est une figure qui assista à son premier match en 1960. Bébert est intarissable : les matchs contre le Bayern, contre le Milan AC il y était, et il était aussi présent lorsque le RC Lens gagna le championnat de France. Bébert n’aura de cesse de me commenter le match et de me citer les noms des joueurs. La partie va commencer et le speaker demande à l’assistance de se lever. Chacun brandit l’écharpe des « Sang et Or » et chante la « Lensoise » sur la mélodie de la Marseillaise, un hymne vibrant pour encourager l’équipe. En face, ce sera le délire tout au long de la partie. Pas un instant ils ne cesseront de chanter sous la direction d’un maître de cérémonie juché sur une estrade. Pas une minute de pause, pas le moindre essoufflement.
Et puis, la chanson « Les corons »
A Bollaert, comme dans une église, il y a une liturgie. La seconde partie du match débute toujours avec « les corons », chantée par les 36’000 spectateurs, une chanson magnifique de Pierre Bachelet qui parle du Nord, du ciel, du charbon et des mineurs de fond. Bébert se tourne vers moi, les yeux embués : j’ai toujours la chair de poule me dit-il. Et patatras. Alors que Lens dominait, l’une des seules attaques de Brest fut couronnée de succès. Le match montera en intensité mais les attaques lensoises se heurteront à une défense bien regroupée. Bébert, philosophe, n’est pas dépité : on gagnera la prochaine fois. Il résume bien la mentalité de ce coin de France où l’on sait encaisser les défaites pour mieux célébrer les succès. Quant à moi qui n’ai pas l’âme footballistique, je suis devenu lensois durant ces nonante minutes. Petit conseil à deux amis des Charbonnières : vous qui êtes des passionnés, allez une fois au stade Bollaert, c’est unique.
Jean-Yves Grognuz,
12.03.2022