Sur la route de Tripoli, au Nord
En partant de Ehden, village accroché dans la montagne, on rejoint Zghorta, fief de la famille Frangié, grande famille chrétienne qui a toujours compté dans la politique libanaise. Sleiman Frangié brigue le poste de Président du pays et s’oppose au candidat Gebran Bassil, gendre de l’actuel Président Michel Aoun. Selon le Pacte non écrit de 1943, la Présidence de la République revient à un chrétien, le chef du gouvernement devant être sunnite et la présidence de la chambre est réservée à un chiite. Le paysage est très beau avec des oliveraies et des vergers. Miracle au Liban, la route est bien goudronnée, signe que les élections approchent ; mais l’asphalte s’arrête au poste de contrôle qui marque l’entrée de la région de Tripoli majoritairement sunnite. Pas un centimètre de goudron en plus ! Ensuite, on slalome entre les nids-de-poule. Et voici qu’apparaissent des immeubles pas terminés où vivent déjà quelques familles. Les ordures sont jetées sur le côté de la chaussée, les services de voirie étant inopérants en raison de la crise économique. Le portrait du promoteur, en fait un homme politique, figure sur une façade. Le permis de construire ? On ne connaît pas, le but étant de loger des électeurs. L’endroit étant jugé sensible, mon chauffeur garde le moteur allumé.
Cana, région du Sud, proche d’Israël
Les historiens n’ont pu trancher la question. Dans quel pays se trouve Cana, cette bourgade citée par l’Evangile de Saint-Jean où Jésus, lors d’une noce, a changé de l’eau en vin ? Deux lieux sont cités au Nord d’Israël et, au Sud Liban, deux localités sont aussi mentionnées.
Le Sud du pays est contrôlé par la FINUL (Force intérimaire des Nations Unies au Liban) et il est nécessaire pour s’y rendre d’obtenir une autorisation. Cette région est considérée comme zone à risques, des tensions armées éclatant épisodiquement entre Israël et la milice du Hezbollah soutenue par l’Iran. Période électorale oblige, je ne vois que les drapeaux jaunes du « parti de Dieu ». Mon chauffeur étant un ancien membre des forces spéciales, j’ai estimé qu’avec son assurance et le fait que je portais une barbe de cinq jours pour faire couleur locale, nous passerions aisément le poste de contrôle. Ainsi fut fait. Près de Cana se trouve une grotte qui attire les pèlerins. Personne ce jour-là mais j’ai pu voir devant une statue de la Vierge des bougies allumées. Les Musulmans y viennent aussi, le nom de Marie (Myriam en arabe) étant vénéré. Selon les historiens, elle aurait été occupée durant les temps les plus reculés avant de devenir un refuge pour les premiers chrétiens persécutés par les Romains. C’est au centre du village de Cana que la noce aurait eu lieu. Autant dire que j’ai été déçu, m’attendant à voir un site de l’ère romaine mieux préservé.
Jean-Yves Grognuz,
10 juin 2022