Laurent Reymondin dirige depuis sept mois l’association pour le développement des activités économiques de la Vallée de Joux (ADAEV). Interviewé dans ses locaux du village industriel et commercial du Sentier, il évoque notamment la place économique combière, le rôle de sa structure en cette année anniversaire et la transformation du village du Brassus.
Vous êtes entré en fonction en juillet dernier, y a-t-il une jolie surprise de vos sept premiers mois de fonction ?
Je parlerai davantage de satisfaction: celle de voir la richesse des contacts entre les dix régions économiques que compte notre canton. La Vallée en est une, probablement la plus petite en terme de territoire mais forte économiquement. On croise des personnes dynamiques et intéressantes, de véritables moteurs. Nous avons un lien étroit avec les responsables de la promotion au sein du département de l’économie et nous sommes vraiment, en tant que régions, parties prenantes du développement économique cantonal.
La loi fédérale a changé, la LPR et donc la loi cantonale sur l’Appui au Développement Economique (LADE) doit être révisée. Je précise que la LADE et la LPR sont celles qui nous occupent le plus, puisqu’elles règlent l’octroi d’aides financières pour le démarrage, l’implantation ou le développement d’entreprises. Nous avons donc des réunions régulières, avec les régions économiques et avec le service cantonal de la promotion économique, pour définir quelle doit être ici la stratégie du canton. Durant mes vingt années de municipal, j’ai eu plutôt l’impression que les services cantonaux peinaient à écouter les gens de terrain. Or là, je ressens que nous sommes écoutés et vraiment considérés comme des partenaires et je trouve cela extrêmement intéressant.
Quelle sont les perspectives économiques pour la région en 2023 ?
2022 a été une excellente année pour les entreprises combières. 2023 sera peut-être moins flamboyante, sans qu’il faille parler de récession. Il y a des incertitudes pour 2024… et plus loin. Mais les entreprises continuent à investir et elles ont confiance en l’avenir.
Est-ce lié à la pénurie énergétique ?
Non. Nous n’avons pas à La Vallée une industrie qui est grosse consommatrice d’électricité, même si la thématique reste très importante; du reste, nous reviendrons avec au moins une séance ce printemps à l’intention des entreprises – car il reste beaucoup d’incertitude sur l’hiver prochain. Bref, l’inquiétude du monde économique est plutôt liée au climat général ambiant, notamment: à l’inflation.
Mais si l’on regarde les projets d’investissements dans la région, à l’instar par exemple du Brassus, avec les constructions de CHH microtechnique, d’Audemars Piguet et de Kif Parechoc, ceux-ci ne sont pas remis en question, les entreprises manifestement restent confiantes. J’ai le sentiment que les choses vont continuer sur leur lancée.
D’autres projets sont en phase d’étude à La Vallée, dans le pipeline, comme on dit. Nous allons continuer d’avoir une économie forte à La Vallée.
Il y a aussi des projets d’agrandissement chez quelques PME, qui marche fort ou d’associations, artisanales, notamment, dans d’autres filières que l’horlogerie, mais c’est trop tôt pour communiquer à leur sujet et surtout, ce n’est pas notre rôle.
Oui, c’est un souci de l’ADAEV en terme d’image publique. La population ne sait pas toujours bien qui vous êtes.
Nous sommes impliqués dans pas mal de projets, je suis à disposition des porteurs pour aller chercher du financement, pour mettre de l’huile dans les rouages. Je suis donc le plus souvent sollicité en amont des projets pour identifier les problèmes potentiels et les possibilités de financement. En revanche, je ne fais pas la communication à la place des projets en cours.
L’ADAEV n’est pas une association qui a vocation à développer ses propres projets, elle soutient ceux des autres. L’ADAEV aura un projet propre en 2023, notre cinquantième anniversaire.
Il y aura un événement officiel à fin septembre. Le plus ancien pv que nous avons retrouvé date du 28 septembre 1972. À l’époque, Louis-Marius Rochat a été le premier directeur. Ce sera l’occasion de mieux nous faire connaître, de rappeler quelques projets concrétisés avec le soutien de l’ADAEV. Globalement, notre association a beaucoup rapporté à la région.
Que dites-vous quand on vous désigne comme un « quatrième syndic » ou le « vingtième municipal » de La Vallée ?
C’est faux et je ne suis pas favorable à ces appellations. L’ADAEV a un rôle de pivot. J’ai fait vingt ans de politique, j’ai appris à bien cerner les limites: je ne m’immisce pas dans ce qui appartient aux municipalités et aux conseils communaux. Je ne prends pas de décision politique, mais je participe à les appliquer et à les traduire. Tout au plus, je peux faire du lobbyisme en faveur de l’économie auprès des communes.
Encore une question d’organisation interne : votre ancien président, Stives Morand est devenu préfet et a donc rendu son tablier. Qui le remplace ?
Pour l’instant, c’est notre vice-président Pierre-André Meylan qui assume la tâche ad interim. Une personne est toutefois pressentie pour prendre la succession de Stives Morand. Elle sera présentée prochainement au comité de l’association, puis à l’assemblée générale, au début de l’été prochain.
Quel est selon vous le défi principal pour le développement de La Vallée ?
De trouver l’équilibre entre le développement notamment immobilier et la demande de qualité de vie des habitants. On l’a vu au Brassus : les grues sont partout et la population émet certaines craintes, sur le caractère du village qui est en train de changer ; le trafic va augmenter, par exemple.

De manière générale, les plans d’affectation sont plus durs à faire passer de nos jours, par rapport à il y a une vingtaine d’années. À l’époque, on se réjouissait toujours de voir une nouvelle usine sortir de terre, car cela impliquait de nouveaux habitants, des rentrées fiscales. Aujourd’hui, la population est plus sensible, elle envisage des nuisances en plus. On doit donc mieux réfléchir à l’harmonie à trouver pour préserver la qualité de vie de la collectivité, laquelle reste exceptionnelle, chez nous.
N’est-ce pas là une tendance de fond ?
Certes, l’enjeu va nous accompagner sur du moyen et du long terme. Du reste, les marques horlogères sont pleinement conscientes que l’acceptation de la population est un enjeu et un potentiel frein à leur développement.
Un autre défi qu’on peut relever est le manque de locaux industriels et ce sujet est lié au précédent. Les marques qui déménagent ou construisent ont tendance à garder leurs anciens bâtiments, car ceux-ci ont tendance à se remplir rapidement à nouveau. on a un problème de places à disposition pour les entreprises qui cherchent des locaux industriels. Il y un risque réel de plafonner ces prochaines années à La Vallée au niveau de la place à disposition.
L’ADAEV est aussi impliquée dans la mobilité et les questions transfrontalières.
On voit de nouvelles usines se construire, mais il faut faire en sorte que ce développement se passe au mieux. Le but est que les communes travaillent de leur côté et les entreprises du leur. Dans l’Arc lémanique, on mise sur les transports publics, chez nous, plutôt sur le covoiturage, même si l’on discute aussi de nouvelles lignes de bus. Les entreprises font un gros effort de promotion interne sur le covoiturage, avec des mesures incitatives. On comprend aussi que leurs parkings ne sont pas extensibles à l’infini. on a encore un potentiel de développement important du covoiturage.
Et les parkings payants, allons-nous y couper ?
Certaines entreprises font payer leur place de parc à leurs collaborateurs, d’autres sont opposées, chacune a sa culture. Maintenant, si vous parlez du domaine public, c’est vraiment une décision politique. Ici, l’on sait que les Combiers sont habitués à la gratuité du domaine public. Cela dit, du point de vue du développement économique, je ne suis pas sûr qu’il y ait une incidence notable sur celui-ci.