Dans ce deuxième volet du sujet que nous consacrons aux réfugiés ukrainiens, à l’occasion de l’anniversaire du déclenchement de la guerre et d’un nouveau phénomène migratoire, voici un portrait.
« Devinez d’où je vous écris, les gars. Le Lieu ! C’est un village de la Vallée de Joux. » Voici le message qu’a envoyé Maksym Cherniaev à ses anciens collègues de Kherson, le lendemain de son emménagement, il y a dix jours. Avant la guerre, cet homme vendait des montres dans une boutique de la dix-septième ville d’Ukraine. «Des pièces japonaises, américaines et suisses. Ces dernières étaient mes favorites.» Et de citer une série de marques de l’Arc Jurassien, Longines, Maurice Lacroix, Tag et autres Tissot. Ses anciens collègues, même à plus de mille kilomètres de là, ont pu apprécier le rêve que représentait le nouveau domicile de Maxime (comme il se présente maintenant) et le chemin qu’a parcouru ce dernier. « C’est drôle, nous confie-t-il, quand j’étais en Ukraine, je connaissais déjà la Vallée de Joux… mais pas Lausanne ! »
Périple en voiture
Son ancienne boutique, rue Zalaegerszeg, de l’enseigne Deka (cinquante points de vente en Ukraine) a été détruite par les roquettes quand Kherson est tombée, sans combat, au tout début de la guerre; c’est en effet la grande ville la plus proche de la Crimée, éloignée de cent cinquante kilomètres.
Jusqu’en juillet 2022, Maxime avoue n’avoir « rien fait ». Il s’est caché, restant assis toute la journée mais sur le qui-vive, redoutant d’être arrêté dans une ville occupée.
Fin juillet, il fuit dans la voiture de son meilleur ami, Sacha, la femme et la belle-sœur de ce dernier avec un bébé d’un an. Maxime se rappelle la crainte au passage des points de contrôle russes en Crimée. Deux jours plus tard, ils sont en Géorgie. Ils poursuivent leur route à travers la Turquie et les Balkans jusqu’en Italie. 5’500 kilomètres et les deux amis se séparent : Sacha reste tandis que Maxime veut gagner la Suisse, où vivent déjà une tante et une cousine, à Morges.
Cinq mois de français
C’est dire que le jeune homme de vingt-neuf ans ne verra pas sa ville être reprise lors de la contre-offensive de fin août. À ce moment, il n’a qu’une envie, se poser et se reposer après des mois éprouvants. Le français, il n’a pas encore l’énergie de s’y mettre.
Il le fera pourtant à l’automne, en partant de zéro, quand il est de nouveau prêt à envisager un avenir. Cinq mois de cours lui permettront de nous raconter son histoire dans la langue de Molière.
Il ne s’attendait pas à ça des Suisses
Comme ses compatriotes, Maxime relève la qualité de l’accueil qui lui a été réservé en Suisse, notamment par sa logeuse de la Grande-Rue. Il nous le dira à plusieurs reprises : « Cela a été une surprise ».
Il se félicite aussi des forfaits gratuits que les opérateurs de téléphonie mobile ont mis à disposition des réfugiés quand ils appellent au pays. Pour Maxime, c’est l’occasion de rester en contact avec sa mère et ses grands-parents restés à Kherson. Il a un temps pensé les faire venir, mais ceux-ci ont dit « nyi » (non). On ne déracine pas de vieux chênes.
Maxime a déjà rejoint le groupe WhatsApp «UA-CH» des Ukrainiens établis à La Vallée et qui leur a permis de se rapprocher et de se faire connaître les uns des autres. L’administrateur de ce groupe ? Un certain médecin-chef de l’hôpital du Sentier.
Objectif atteint à moitié
« Être au Lieu, pour moi, c’est déjà la moitié de mon objectif atteint », confie encore le jeune réfugié. Encouragé par l’EVAM, il a en effet voulu se donner toutes les chances de retravailler dans l’horlogerie et s’est relogé en la Haute Combe. « Monter une montre, j’en suis incapable, car j’étais vendeur. En même temps, j’ai appris la théorie de l’horlogerie. »
Pour l’heure, il vient de commencer un cours de français avancé B1. « J’ai beaucoup de chance d’être ici et pas à pas, avec l’aide de l’EVAM et de l’ORP, je vais vers mon objectif », conclut-il.
ce n’est pas un horloger, mais un vendeur…
Pas de quoi en faire un article…