Pierre le Grand, le tsar modernisateur, envoya en 1717 une expédition dans le Khan (royaume) de Khiva, ville de l’actuel Ouzbékistan. Elle y fut massacrée. Ce ne fut que partie remise car la défaite fut due aux dissensions avec les Khanats de Boukhara et Kokand. Petit à petit dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’Empire russe conquit les actuelles républiques de l’Ouzbékistan, du Kirghizistan et du Turkménistan ce qui ne manqua pas d’inquiéter la Grande-Bretagne qui tenait à assurer à la Perle de sa couronne, les Indes, des frontières défendables. C’était l’époque du Grand Jeu. On envoyait de part et d’autre des espions déguisés en explorateurs dans ces régions méconnues. Russes et Anglais finirent par signer un traité de paix.
Epoque tsariste puis communiste
On retrouve dans les grandes villes des vestiges de l’époque tsariste, principalement des bâtiments administratifs. Chamboulement total dès la révolution d’Octobre, surtout dès 1928 avec l’arrivée de Staline à la tête des soviets : les mosquées sont fermées, le culte musulman interdit, des kolkhozes sont créés pour enrégimenter la population et supprimer la propriété individuelle. C’est l’époque des plans quinquennaux décidés par des fonctionnaires de Moscou. Tant de tonnes de charbon ou d’acier à produire chaque année, beaucoup plus l’année suivante et ainsi de suite. Et il faut du coton pour vêtir Piotr et sa famille demeurant rue Lénine, impasse du prolétaire rouge. Deux fleuves, l’Amou-Daria (photo) et le Syr-Daria prennent leurs sources dans les hautes montagnes du Pamir, en bordure de la frontière chinoise, pour aller se déverser dans la Mer d’Aral.
C’est un cadeau de la nature car le coton demande beaucoup de chaleur et d’eau. Des canaux sont creusés à l’infini à main d’homme pour l’irrigation. Besoin de main-d’œuvre pour la récolte d’octobre et novembre ? On déplace des populations au besoin à coups de trique pour les
récalcitrants ; on trouve en montagne des villages abandonnés datant de cette époque. Tous à la récolte pour satisfaire aux impératifs du Plan ! Les étudiants vont aux champs rejoints le week-end par les fonctionnaires. Le but ? Asservir la nature, la dompter sans se préoccuper du manque d’eau déversée dans la Mer d’Aral. Celle-ci est actuellement divisée en deux et le réchauffement climatique ne contribue pas à son rétablissement. D’anciens villages de pêcheurs perdus au milieu de la steppe regardent des navires couchés sur le flanc. Mais tout ne fut pas noir lors de l’époque soviétique. Les progrès de la médecine, l’ouverture d’écoles et d’Universités, la construction de routes et de voies ferrées contribuèrent au développement du pays.
Et actuellement ?
Conscients des problèmes d’approvisionnement en eau, le gouvernement et les exploitants agricoles ont drastiquement diminué les surfaces destinées à la culture du coton. On s’est tourné vers les cultures de fruitiers, de légumes, de blé et de riz, la base essentielle de l’alimentation. Des serres ont vu le jour pour la production des légumes : un paysan était fier de me montrer son système du goutte à goutte pour économiser l’eau. Le pays fit face en 2022 à une sécheresse qui aura une incidence sur les prix. La récolte de la carotte jaune, nécessaire à la préparation du plov, le plat national, fut mauvaise. Pour mesurer l’inflation, le gouvernement introduira un indice économique, celui du plov.
Jean-Yves Grognuz,
12 novembre 2023