Le législateur -et on ne peut pas là lui donner tort- a, dès 1976, mis en place une procédure afin de s’assurer de la persistance d’une conduite sûre à partir de l’âge de 70 ans: un examen médical tous les 2 ans! Personnellement j’étais tout à fait acquis à cette contrainte, une option minimum devant garantir qu’une personne d’un certain âge a toujours les capacités requises pour conduire sa voiture, les facultés de base étant la vue, l’ouïe, et une mobilité suffisante. Dans un trafic devenu toujours plus intense, il était tout à fait raisonnable d’avoir instauré une telle mesure.
À partir du 1er janvier 2019, ce processus de contrôle a été repoussé de 5 ans et débute donc maintenant dès l’âge de 75 ans. Et on a alors renforcé une thématique qui n’apparaissait guère sur le devant de la scène il y a quelques années, à savoir la prise en compte du niveau cognitif de la personne à examiner (mémoire, motricité, langage, raisonnement)! Sans vraiment rendre ceci obligatoire, mais avec de vives recommandations, semble-t-il, les milieux médicaux ont été davantage sensibilisés à considérer le schéma psychologique des conducteurs âgés, ce facteur pouvant avoir une incidence sur la manière de conduire et de se comporter sur la route. Joli sur le principe, mais assez flou quant à la façon de procéder. Résultat: la réalisation pratique de cette matière est finalement laissée au libre arbitre du médecin. Et là, les applications sont nombreuses et diverses, un vrai méli-mélo! Renseignements pris à gauche et à droite, de très nombreux médecins s’en tiennent aux seules évaluations de base (vue, ouïe, mobilité), réduisant l’aspect psychologique à l’entretien oral durant le contrôle médical; ces médecins-là, à l’évidence, privilégient leur pratique quotidienne des contacts humains pour assez rapidement se rendre compte à qui ils ont vraiment affaire. Mais d’autres médecins, on peut le comprendre, préfèrent conforter leur jugement par un recours à un outil plus scientifique et neutre qui, en quelque sorte, les rassure en leur enlevant la responsabilité d’assumer eux-mêmes un hypothétique risque; ils font alors «subir» à la personne contrôlée une batterie de tests neuropsychologiques qui prennent à leurs yeux tout autant d’importance, sinon plus, que les éléments de base déjà cités.
Avant de débuter, on vous dit que les questions qui vont être posées n’ont pas grand-chose à voir avec la conduite automobile; mais pourtant, au final, elles ont autant de poids que les rubriques de base: vraiment sympa, cette roublardise! D’ailleurs, si cette partie de l’examen est jugée insatisfaisante, on vous envoie illico presto chez un(e) neuropsychologue pour un examen complémentaire de 2 heures (!!!), à moins que vous ne renonciez derechef à votre permis! De plus en plus sympa… On s’efforce là de mettre en évidence des faiblesses cognitives qui pourraient être -je dis bien, «pourraient être»- des signes prémonitoires d’une maladie neurodégénérative ou des tares ne permettant plus de conduire; c’est une vision très «psy» qui prend de plus en plus de place, une manière préventive qui cependant demeure aléatoire et discutable… En d’autres termes, à tort ou à raison, on a vraiment le sentiment que cela va maintenant trop loin dans cette direction, comme si on cherchait à tout prix la petite bête pour pousser les conducteurs âgés à se rendre au plus vite au garage final sécurisé!
Une bonne santé n’est pas forcément gage d’une bonne pratique de la conduite automobile. Alors, plutôt que de «torturer» des clients avec de multiples et coûteux tests neuropsychologiques, ne serait-il pas préférable de déplacer le curseur et donner la priorité à un vrai contrôle pratique, sur route, de l’aptitude à la conduite?
Michel Hangartner
Vallorbe