Margarida est d’un naturel éminemment sociable et spontané, ce, jusqu’à cultiver avec la flore de La Vallée une conversation bucolique sui generis : Margarida a ce don de parler à ses gentianes de sorte à en recueillir amoureusement tout le nectar. Qui donc n’a eu vent de « La Fée des sirops » !
– Cette inclination innée, cette propension à la communication naturelle, ce sens de l’improvisation ne dénotent-ils pas chez Margarida de réelles dispositions pour l’art de la scène ?
Certes, on peut arguer à bon droit que Margarida n’est point instruite de l’économie théâtrale ; qu’elle est sujette à de possibles trous de mémoire ; qu’elle cède volontiers à son penchant (marqué !) pour la fantaisie… Si légitimes qu’elles soient, ces objections tombent, tant il est vrai que Margarida est, en elle-même, un personnage de théâtre. C’est à se demander si Margarida n’est pas née sur scène !
– Cette situation paradoxale n’évoque-t-elle pas celle des « Six Personnages en quête d’auteur », campés magistralement par Luigi Pirandello ?
La pièce s’ouvre sur une répétition classique que viennent interrompre inopinément six personnages venus faire état de leurs doléances devant le Directeur de théâtre, et réclamer un auteur capable de transposer à l’art de la scène leurs vicissitudes respectives immédiates. Au fil de leurs récriminations, la forme fractale du discours pirandellien se dessine, qui donne lieu à une réflexion autosimilaire. Ce théâtre mis en abyme interroge le théâtre du monde : Où est la représentation ? Où est la réalité ? Qu’est-ce que l’identité ?
Ce que suggère le jeu des « Six Personnages », c’est l’inéluctable conflit entre la Vie et la Forme.
L’art de la scène est le seul qui préserve l’œuvre d’une fixité fatale : « Tout ce qui vit, par le fait qu’il vit, a une forme, et par cela même, doit mourir, – sauf l’œuvre d’art, qui vit éternellement, en tant qu’elle est forme. » (Cf. « Six personnages en quête d’auteur » / Préface de Pirandello).
À l’instar des « Six Personnages », Margarida est en quête d’un auteur qui sache prendre en considération ses attentes artistiques, et leur conférer une forme idéale. La verve poétique de
Margarida renverra le spectateur à une réflexion essentielle sur la précarité de la condition humaine et sur son lien précieux avec la Nature.
– Dans la vidéo sensible et bienveillante tournée par Mathieu Wenger pour Val TV (« Une journée avec Margarida »), ne distinguait-on pas clairement le signe d’un talent théâtral ne demandant qu’à fleuri ?
François Mastrangelo